Cancer : retravailler après la maladie

Revue de Presse

Alors que le Plan Cancer 2014-2019 en fait une priorité majeure, le retour au travail après un cancer reste difficile. En cause  : la fatigue et les autres conséquences de la maladie, mais aussi le décalage avec le monde professionnel, dû à l’absence prolongée.

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Un cancer, une fois traité, continue-t-il à être un handicap ? La question se pose avec d’autant plus de force aujourd’hui que, grâce à l’amélioration de la qualité des soins, de plus en plus de personnes surmontent le cancer et aspirent à retrouver leur vie d’avant. Cette thématique est mieux prise en compte par la société qu’il y a quelques années  : en témoigne la mise en place du droit à l’oubli bancaire. Et dans le monde du travail ? Si des intitiaves se mettent en place, pour que le retour à l’emploi soit mieux préparé par l’entreprise et par le salarié, les freins restent nombreux.

Fatigue accrue, regard des autres  : anticiper les changements

«  On ne me fait plus confiance », regrette Annick, en mi-temps thérapeutique après presque deux ans d’absence, et qui ne se sent pas aussi attendue qu’elle le pensait. C’est un fait  : quand l’absence dure plus d’un an, la personne malade est plus ou moins remplacée. Alors, comment se préparer à la réalité du contexte professionnel et ne pas se sentir en total décalage ?

La fatigabilité est la plus grande des difficultés ressenties. Fatigue, problèmes de mémorisation ou gêne physique, on ne peut pas forcément retravailler “comme avant”, malgré une extrême motivation.

De plus, le cancer est souvent une vraie rupture socioprofessionnelle, dont on prend conscience quand on retrouve son poste. Les équipes ont changé, les logiciels aussi, parfois même les locaux. Une perte de repères qui entame la confiance.

Enfin, revenir dans l’activité quittée, «  c’est aussi affronter le regard des autres, collègues et hiérarchie, qui vont vous voir comme quelqu’un de différent », prévient Monique Sévellec, psychologue à la maison des patients (Saint-Cloud, 92).

«  Pendant les traitements, on se bat contre la maladie et le travail apparaît comme une lointaine préoccupation. Pourtant, il est préférable d’anticiper son retour deux à trois mois avant l’arrêt des traitements », conseille Solange de Nazelle, responsable du service social de l’Institut Curie.

Préparer son retour dans l’entreprise

  • D’abord, faire le bilan. S’interroger  : qu’est-ce que je veux aujourd’hui ? Ce que je souhaite est-il compatible avec mon métier, ma fonction, ma société ? Quelle est ma place dans l’entreprise ? Qu’est-ce que je suis capable de proposer ? Quelles relations j’entretiens avec mes collègues ? Comment vais-je les retrouver ? Maintenir le contact est une bonne chose, «  par exemple, en acceptant de passer à un pot d’anniversaire même si l’on porte une perruque », dit Solange de Nazelle.
  • Ensuite, s’informer sur ses droits. Solliciter son médecin traitant, le médecin du travail, l’assistante sociale et le médecin-conseil de l’Assurance-maladie pour répondre aux questions d’ordre matériel  : quelle est la prévoyance de mon entreprise ? Quand vais-je reprendre et comment en fonction de mes capacités psychiques et physiques ?

Demander une visite de préreprise au médecin du travail

De l’avis des experts, la visite de préreprise auprès du médecin du travail est primordiale. Elle est à l’initiative du salarié. Pour le Dr Noëlle Lasne, médecin du travail, son rôle est d’être présente bien avant le retour au travail pour mesurer ce qui est possible, ce qui ne l’est plus, et préparer quelque chose de valide pour le salarié et de crédible pour l’entreprise.

De ce dialogue émerge la possibilité – qui est un droit dans les textes – d’avoir un poste adapté et de mener les négociations avec l’employeur. Ce dernier n’a pas le droit de licencier au motif de la maladie. En revanche, s’il apporte la preuve que l’absence due à la maladie nuit à l’organisation du travail, celle-ci peut être une raison de licenciement.

Un retour plus difficile en cas de changement d’emploi

En théorie, le système fonctionne bien. En pratique, «  le constat est nettement plus mitigé, car la plupart des salariés ne font pas confiance à leur médecin du travail », tempère la sociologue Anne-Marie Waser. C’est pourtant lui qui délivre un avis d’aptitude à la reprise, et mieux vaut entamer le dialogue.

Le médecin traitant, lui, prescrit et fixe la durée de travail à temps partiel. «  Plus la position est élevée socialement, plus le retour au travail se passe bien car ces personnes ont une certaine marge de manœuvre », observe la sociologue.

La situation est en effet plus délicate pour ceux qui doivent chercher un nouvel emploi. En plus de la fatigue, s’ajoute la difficulté d’expliquer une absence d’un an ou deux dans son CV. Pour cette raison, Solange de Nazelle conseille toujours de reprendre son activité professionnelle puis de démissionner et chercher un emploi après  : «  Cela permet de dire  : je suis entré dans cette entreprise de telle date jusqu’à ce jour. Sinon, il vaut mieux ne pas dire lors d’un entretien d’embauche  : “J’ai eu un cancer”. »

En pratique, à qui s’adresser ?

  • L’assistante sociale de votre établissement de santé, de votre caisse d’Assurance-maladie ou de votre association de santé au travail. Elle facilite vos démarches auprès du médecin du travail et de votre entreprise.
  • Le site Emploi et cancer, que vient de lancer la Ligue nationale contre le cancer, vous permet d’obtenir des réponses à vos questions et vous oriente vers les services compétents.
  • Sur le site de l’Institut national contre le cancer, vous trouverez les liens utiles pour vous informer sur vos droits et rencontrer un avocat. Vous pourrez aussi consulter la charte des onze engagements ‘Cancer et emploi’, déjà signée par dix-sept entreprises et collectivités territoriales.
  • La maison départementale des personnes handicapées si vous ne pouvez plus exercer le même métier. Elle reconnaît votre incapacité, ce qui permet de demander un contrat de rééducation professionnelle ou un reclassement professionnel.
    Source : santemagazine.fr (16 novembre 2017)