Comment Orange combat les géants du Net

Revue de Presse

Fabienne Dulac est la patronne d’Orange France. Elle est également, depuis quelques mois, directrice générale adjointe de l’opérateur historique. (Crédits : Sipa) Avec la montée en puissance des GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple), grands consommateurs de bande passante, les opérateurs télécoms craignent, sur le long terme, de devenir de simples fournisseurs de tuyaux. A La Tribune, Fabienne Dulac, la patronne d’Orange France, explique comment l’opérateur historique s’organise pour ne pas se faire damer le pion.

Pour les opérateurs télécoms, l’explosion des usages numériques constitue autant une bénédiction – dans le sens où les besoins de connectivité des particuliers comme des professionnels vont crescendo – qu’une menace. Pourquoi ? Parce qu’elle a permis l’éclosion et la montée en puissance de puissants acteurs, en particulier les fameux GAFA (Google, Amazon, Apple et Facebook), ou le géant de la vidéo en streaming Netflix. Leurs services, très gourmands en bande passante, sont de plus en plus utilisés.

10000000000002640000013292d051078f234bc2.jpgFabienne Dulac est la patronne d’Orange France. Elle est également, depuis quelques mois, directrice générale adjointe de l’opérateur historique.

C’est la raison pour laquelle, ces dernières années, ils sont devenus les plus importants utilisateurs des réseaux – par ailleurs extrêmement coûteux – des opérateurs télécoms. Lors d’une matinale organisée dans la capitale, ce mardi, par La Tribune et la Chambre de commerce et de l’industrie de Paris Île-de-France, Fabienne Dulac, la patronne d’Orange France, a résumé la situation  :

«  Nous vivons une révolution numérique qui s’accélère, et les opérateurs ont une position particulière, puisqu’ils sont à la fois ceux qui permettent cette révolution, mais aussi ceux qui sont disruptés par cette révolution. »

La crainte de perdre la relation client

Face aux GAFA, à quelles menaces, précisément, les opérateurs comme Orange sont-ils confrontés ?

«  Les opérateurs rencontrent deux risques, explique Fabienne Dulac. Celui d’être ‘commoditisé’, dans lequel les fournisseurs d’accès à Internet sont réduits à des fournisseurs de tuyaux, et celui d’être ‘désintermédié’. Les opérateurs peuvent perdre la relation directe avec les clients ou perdre l’interface entre opérateur et client final. Or ce qui fait la force d’un opérateur, c’est d’avoir une relation directe avec son client. »

Ces risques, souligne la dirigeante, expliquent pourquoi les opérateurs «  sont à la recherche de nouveaux business model pour pouvoir profiter de la révolution numérique ».

«  Tous les opérateurs télécoms du monde sont en mouvement pour lutter contre ces deux phénomènes, en allant vers le client final, en lui proposant du divertissement, en lançant de nouveaux services, comme la banque et la cybersécurité, ou vers la data, la richesse de la connaissance. Et ce, afin de trouver des relais de croissance. »

Ainsi, Orange n’a pas hésité à lancer l’an dernier Orange Bank, sa banque mobile, qui a passé le cap, il y a six mois, des 100.000 comptes ouverts. L’opérateur historique mise aussi gros sur la cybersécurité. Sur ce créneau, le groupe estime avoir une carte à jouer. Grâce à son réseau, ses équipes affirment notamment être en mesure de détecter en amont les prémices d’une attaque, et ainsi d’être mieux préparées.

Côté divertissement, à l’inverse de son rival SFR, Orange refuse de se lancer dans de coûteuses emplettes dans les contenus et les médias. L’opérateur historique privilégie, sur ce front, des accords et des partenariats avec des groupes de médias. Il y a tout juste un an, Orange a notamment renforcé son partenariat commercial avec Canal+. Surtout, dans le cadre de cet accord, la chaîne de télévision payante de Vivendi a abandonné sa sacro-sainte auto-distribution. Ce qui a permis à Orange d’avoir la main sur la facturation des offres. On retrouve ici, concrètement, ce souci d’Orange de conserver, à chaque fois que cela est possible, un lien direct avec ses abonnés.

La menace des assistants personnels

«  L’un des enjeux, quand on est opérateur, c’est de maîtriser la relation client, répète Fabienne Dulac. Notre force par rapport à Google ou Facebook, c’est d’avoir une relation finale avec nos clients. Nous avons leurs données bancaires, de la data rich, nous les connaissons. L’objectif à l’avenir sera de s’adjoindre des services pour renforcer cette relation client. C’est ce que nous voulions faire avec Canal. Cela nous a permis d’amener des contenus sans investir frontalement […] tout en évitant d’être ‘désintermédié’. »

A ce sujet, Orange s’inquiète notamment de «  l’arrivée des assistants personnels de Google, d’Amazon ou d’Apple ».

«  Ils ont pour objectif de prendre possession des foyers, affirme la dirigeante. C’est pourquoi nous allons y répondre. Actuellement les GAFA sont présents de manière diffuse dans les foyers. Avec les assistants, il y a une mise à l’esprit permanente de la marque. Le marché français a réussi à prendre possession des foyers en installant des box sans être ‘désintermédié’. Ce qui explique la difficulté pour les entreprises américaines de rentrer sur ce marché, et la volonté des opérateurs d’être dans les foyers, de maîtriser les usages, de collecter la data d’usage des clients, une richesse incontournable. Tous les opérateurs veulent rentrer dans le champ du foyer, là où ils ne sont pas encore suffisamment aujourd’hui. »

Voilà pourquoi, l’année dernière, Orange n’a pas hésité à lancer Djingo, son assistant personnel maison. In fine, la relation d’Orange avec les GAFA se résume à «  je t’aime, moi non plus », affirme Fabienne Dulac. «  Il faut les affronter directement, mais aussi collaborer avec eux », poursuit la dirigeante. Autrement dit, «  il faut danser avec le diable et trouver les points faibles pour remettre un rapport de force, enchaîne-t-elle. La bataille sera compliquée, mais nous avons les moyens de trouver la voie. »

Source :   Latribune.fr (29  juillet 2018)