Entre le travail et les congés, les adeptes du « workation » ne veulent plus choisir

Revue de Presse

Passer le mois de juillet à finir son business plan ou à faire du surf ? Fondée l’an dernier près de la pointe du Raz, dans le Finistère, la Swenson House propose de ne pas choisir. Les actifs privés de congés y pratiquent le «  workation », télescopage de work, «  travail », et de vacation, «  vacances »  : ses hôtes s’attaquent aux vagues après avoir bouclé leurs dossiers dans l’espace de coworking, à grand renfort de café filtre et de cookies. Avant de se désaltérer au bar à jus – bois brut et vue sur la mer – et de passer la soirée à discuter autour d’un creative sunset.

De Miami à Taghazout, de Melbourne à Bali, émergent ces structures combinant maison d’hôte, open space avec Wi-Fi haut débit et activités sportives ou culturelles. Selon le répertoire en ligne Cowoli, il en existerait de 130 à 150 dans le monde. «  Chez Coconat, l’idée est de passer un moment en pleine nature, tout en étant productif », explique la cofondatrice Julianne Becker dont le projet, monté en 2017, a élu domicile dans un manoir entre champs et forêts, au sud-ouest de Berlin

1000000000000216000002161e600466a318ff54.jpgChez Coconat, au sud-ouest de Berlin, une oasis de verdure et de calme comme cadre de travail.

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Des «  nomades digitaux »

Née il y a une dizaine d’années en Californie, «  la tendance des workations a pris de l’ampleur grâce aux nouvelles technologies, mais aussi à l’émergence de pratiques de travail inédites », analyse Clément Marinos, maître de conférence en économie à l’université Bretagne-Sud. «  On rêve de devenir entrepreneur plutôt que salarié, et en parallèle, le télétravail et le coworking se développent. » Dans ces espaces se côtoient indépendants, créatifs, fondateurs de start-up et, depuis peu, des universitaires. Les modalités de séjour sont à géométrie variable.

100000000000021600000164f793d5a66c1ef385.jpgL’essor des sociétés de workation fait écho aux nouvelles pratiques de travail. Ici Roam à Bali.

Roam, implanté à Miami, Bali, Tokyo, San Francisco et Londres, en offre une bonne illustration. Sur les 10 000 personnes accueillies depuis 2015, «  un tiers habitent chez nous à l’année, un tiers séjournent une à deux semaines comme à l’hôtel et un tiers sont des “nomades digitaux” sans adresse fixe qui voyagent de site en site », précise le fondateur Bruno Haid. Les tarifs – de 250 à 1 500 euros la semaine – sont aussi diversifiés que les usages. Les nostalgiques des colonies de vacances optent quant à eux pour les voyages organisés par les néotour-opérateurs Refuga, Hacker Paradise ou The remote experience.

Gastronomie, méditation et carnet d’adresses

Au cœur de toutes ces formules s’inscrit l’idée de communauté. Les participants sont invités à partager des dîners autour de la gastronomie italienne, à suivre des séances de méditation ou à prendre des leçons de permaculture – et poussés à ouvrir leur carnet d’adresses. «  Chez Swenson House, nous organisons des formations, des discussions avec des personnalités comme Brian Chesky, cofondateur d’Airbnb, des concerts, des expositions de jeunes artistes, détaille le cofondateur Kevin Le Goff. Des contenus inspirants, en lien avec la vie professionnelle. »

Autre paramètre de la formule, l’inscription dans l’environnement local  : on se fournit chez les meilleurs producteurs bio, on noue des partenariats avec les clubs sportifs, on invite les habitants du cru, voire on monte des projets de développement numérique avec les collectivités locales.

1000000000000216000001659561c3cca2cc84f1.jpgDes échanges considérés comme propices à la réactivité et à l’innovation.

La France n’accueille qu’une poignée de ces nouveaux lieux, parmi lesquels Mutinerie village, un acteur du coworking parisien installé depuis l’été dernier au cœur du Perche, en Normandie. «  Les Français sont plus réfractaires au télétravail, leurs modes de management privilégient le contrôle à vue plutôt que par objectif », explique Diane-Gabrielle Tremblay, professeure à l’université québécoise Téluq, quand Claire Flurin, fondatrice du centre de ressources Pure House Lab, pointe du doigt «  des industries immobilière et hôtelière très codifiées, moins innovantes dans la définition de nouveaux usages ».

Comment le futur se dessine-t-il, alors ? Pour Clément Marinos, «  tout est là pour que le phénomène s’amplifie ». «  Issu du coworking, il pourrait suivre le même essor, notamment avec l’arrivée de grands acteurs dans le secteur. » Un jour viendra où la société de coworking WeWork s’appellera We Work, We sleep, We eat and We have fun*.

Source : lemonde.fr (15 juin 2018)