Faut-il avancer ou retarder son départ à la retraite à cause du nouveau malus Agirc-Arrco ?

Revue de Presse

A partir de 2019, les pensions complémentaires de certains salariés perdront 10 %, pendant trois ans. Pour y échapper, il faudra décaler sa retraite d’un an.

Actuellement, pour les salariés, qui dit pension à taux plein au régime général dit aussi pensions complètes côté complémentaires. Mais à partir du 1er janvier 2019, cette règle disparaît ! Ceux qui prendront leur retraite dès l’obtention du taux plein au régime de base (donc, dans le cas général, quand ils ont à la fois 62 ans et le bon nombre de trimestres) risqueront de voir leur pension complémentaire rabotée de 10 % pendant trois ans. Ainsi en ont décidé en 2015 les partenaires sociaux, qui copilotent l’Agirc-Arrco.

L’impact ? Prenons l’exemple d’Emilie, qui a prévu de prendre sa retraite au 1er mai 2019 alors qu’elle aura tout juste 62 ans et les 166 trimestres requis pour décrocher le taux plein. Avant la réforme, elle aurait touché 1 600 euros de pension nette, 1 100 euros de pension de base plus 500 euros d’Arrco.

Avec la réforme, si elle maintient son départ au 1er mai 2019, sa pension complémentaire sera minorée de 10 % durant trois ans. Jusqu’à avril 2022, elle touchera donc 1 550 euros par mois (1 100 euros plus 450 euros). A partir de mai 2022, sa pension intégrale, 1 600 euros, lui sera versée. En revanche, si elle attend le 1er mai 2020 pour prendre sa retraite, elle échappera au malus.

Une série d’exceptions

Même si vous partez à la retraite après 2018, la minoration ne sera toutefois pas appliquée si vous êtes né avant 1957 – nul besoin, donc, d’avancer votre départ. Vous ne la subirez pas non plus si vos revenus sont modestes (sont ici considérés modestes les retraités exonérés de CSG). Ou si vous remplissez les conditions du taux plein avant fin 2018. C’est le cas si vous avez commencé à travailler jeune et que vous pouvez prétendre avant 2019 à un départ anticipé pour carrière longue.

D’autres exemptions sont prévues, par exemple pour les personnes handicapées, à certaines conditions. En outre, un malus moindre, de 5 %, sera appliqué aux retraités assujettis au taux réduit de CSG.

Des options

Vous ne figurez pas parmi les exceptions ? Vous ne pourrez échapper à la réforme, vous n’avez pas l’âge pour partir avant 2019. Deux options se présentent alors  :

– Soit accepter un malus temporaire sur votre pension complémentaire (pour Emilie, il s’élève à 50 euros par mois pendant trois ans, soit 1 800 euros au total) et partir le plus tôt possible, dès que vous obtenez le plein.

– Soit attendre un an pour toucher dès le début une pension non minorée (pour Emilie, cette pension s’élèverait à 1 665 euros).

Pour connaître l’impact sur vos pensions et décider en toute connaissance de cause, vous pouvez utiliser le simulateur officiel de pensions. Moins votre pension complémentaire est élevée, moins la perte liée au malus sera importante. «  Pour les non-cadres, la complémentaire représente souvent environ un quart de la pension, mais elle peut dépasser la moitié pour certains cadres supérieurs », précise Dominique Prévert, associé chez Optimaretraite.

Autre paramètre à prendre en compte  : le malus s’éteint forcément à vos 67 ans. Si vous remplissez les conditions du taux plein à 65 ou 66 ans, il ne durera donc pas trois ans et son coût total sera moindre.

«  Effet sur la pension, sur le pouvoir d’achat  : le choix est certes financier, mais c’est également un choix de vie », souligne M. Prévert. «  Arrêter plus tôt ou plus tard a aussi une valeur, selon l’état physique ou psychologique de la personne et la place du travail dans sa vie. Dans tous les cas, il faut prendre le temps d’examiner les options, le choix est irréversible », martèle-t-il. Et bien sûr, la question ne se pose pas pour les séniors sans emploi  : les allocations de chômage n’étant de toute façon plus versées dès lors que le taux plein est atteint, décaler sa retraite engendrerait une perte financière importante.

Echapper au malus

Reste, théoriquement, une troisième option, réservée à ceux qui n’auront pas tous leurs trimestres à 62 ans  : démarrer leur retraite juste avant d’avoir tous leurs trimestres et échapper ainsi au malus temporaire Agirc-Arrco, qui ne se déclenche qu’une fois les conditions du taux plein remplies. Mais en contrepartie, ils subiront des abattements de pension, de base comme complémentaire, liés à l’absence du fameux taux plein. Et ceux-ci sont cette fois définitifs. Là aussi, un calcul est à faire.

Mais au final, seuls les cadres très supérieurs peuvent y gagner financièrement. «  Et attention, ajoute Marc Darnault, d’Optimaretraite, un senior partant sans le taux plein se prive de l’opportunité de profiter du cumul emploi-retraite intégral sans conditions, c’est-à-dire de la possibilité de toucher intégralement ses pensions et des revenus professionnels, peu importe la nature de sa nouvelle activité. »

Outre le malus, des bonus seront également instaurés. Les pensions complémentaires seront majorées de 10 % pour une retraite reportée de deux ans (à partir de l’obtention du taux plein, toujours), de 20 % pour trois ans et de 30 % pour quatre ans. Pendant un an. Les seniors prévoyant de continuer à travailler après l’obtention du taux plein devront s’interroger sur l’opportunité de profiter de ces bonus temporaires, ou du dispositif, parfois juteux, du cumul emploi-retraite (percevoir ses pensions + des revenus professionnels)

Source : lemonde.fr (30 mai 2018)