Retrait de permis de conduire : les assureurs et certains employeurs désormais au courant

Revue de Presse

SÉCURITÉ ROUTIÈRE – Un décret élaboré avec discrétion vient d’être publié au journal officiel, il permet désormais aux employeurs dans le secteur du transport et aux assureurs d’être informés de la perte de permis de conduire de leurs chauffeurs ou de leurs assurés. Les explications de Maître Jean-Baptiste le Dall, avocat en droit automobile

C’est un récent décret n°2018-387 du 24 mai 2018 qui vient lever le voile sur ce qui jusqu’ici demeurait totalement secret pour les tiers et notamment un employeur ou un assureur : la validité ou non de son permis de conduire. 

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Une mesure déjà annoncée en 2015 pour les transporteurs

Ce décret vient mettre à jour la liste des personnes pouvant accéder aux données du Système national des permis de conduire (SNPC). La question de l’extension de l’accès aux entreprises de transport n’est pas nouvelle et se pose à chaque accident grave mettant en cause un chauffeur ayant perdu à un titre ou un autre son permis de conduire.

Cette mesure avait été proposée lors du Comité interministériel de la sécurité routière du 2 octobre 2015. La mesure n°21 visait à ‘permettre aux employeurs, en particulier les transporteurs, de connaître la validité du permis de conduire de leurs employés affectés à la conduite (à l’exclusion du solde de points et toute autre donnée personnelle)’. Le décret du 24 mai 2018 s’inscrit en droite ligne de cette annonce de 2015.

Pour l’employeur il n’était jusqu’à présent pas possible de s’assurer de la validité du permis de conduire de ses employés. Au mieux l’employeur pouvait demander à son chauffeur une attestation sur l’honneur de la détention d »un permis de conduire valide. Il n’était pas possible pour l’employeur d’exiger de son salarié la production de son relevé d’information intégral (ce document de -parfois- plusieurs pages fait mention de l’ensemble des décisions de retrait de points prononcées à l’encontre d’un conducteur, il indique également le nombre de points affectés au permis de conduire et précise la survenance d’éventuelles mesures de suspension) ou la communication de ses codes pour accéder au service télépoints permettant de consulter à distance son solde de points. 

L’employeur qui doit faire face à des obligations de sécurité tant à l’égard de ses propres salariés qu’à l’égard des clients de l’entreprise et même des autres usagers se trouvait parfois dans une situation complexe. A la fois on exige d’une société de transport collectif un haut degré de sécurité dans la formation de ses employés et dans l’entretien de sa flotte de véhicule, mais jusqu’à présent on lui refusait la possibilité de s’assurer de la possession par ses chauffeurs d’un permis de conduire valide. 

L’article R 225-5 du Code de la route prévoit désormais la possibilité d’accéder directement à cette information pour ‘les personnels individuellement désignés et habilités des entreprises exerçant une activité de transport public routier de voyageurs ou de marchandises pour les personnes qu’elles emploient comme conducteur de véhicule à moteur’.

Si ouvrir largement l’accès du SNPC à l’ensemble des employeurs pose réellement un problème, car il ne faut pas se le cacher la perte du titre de conduite peut amener un employeur à vouloir se séparer de l’un de ses employés, permettre une information des sociétés de transport relève du bon sens. Même si le sort de certains chauffeurs (il faut le souligner parfois privés de permis de conduire du fait de consignes et de cadences imposées par certains employeurs peu scrupuleux) pourrait gravement pâtir de ce décret du 24 mai 2018, cette nouvelle mesure s’inscrit clairement dans une stratégie de sécurité routière. 

Mais ce décret n’ouvre pas seulement le SNPC aux entreprises de transport, les assureurs pourront également s’informer de la validité du titre de leurs assurés.

Des assureurs pouvant également s’informer d’une perte de permis

Le nouvel article R.330-3 du Code de la route prévoit désormais cette possibilité pour ‘les entreprises d’assurance garantissant les dommages subis par des tiers résultant d’atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule à moteur, ainsi que ses remorques est impliqué et les organismes assimilés à ces entreprises, dès lors que ces informations ont pour seul but d’identifier les biens et personnes impliqués dans un accident de la circulation, à condition qu’au moins un des véhicules soit assuré par l’assureur demandeur ou que ce dernier ait en charge l’indemnisation d’une des victimes’.

La compagnie d’assurance devra fournir à l’appui de sa demande ‘le numéro et la date de la police d’assurance ainsi que le numéro d’inscription de la déclaration de sinistre’. L’enjeu pour ces compagnies n’est pas anodin, en l’absence de permis valide, le conducteur ne peut plus prétendre à la couverture de son préjudice par son assureur.

Maître Jean-Baptiste le Dall est docteur en droit et vice-président de l’Automobile Club des Avocats. Il intervient sur son blog et sur LCI. 

Source : .lci.fr/ (5 juin 2018)