Imposer un jour de carence aux fonctionnaires réduit-il l’absentéisme?

Revue de Presse

Selon l’Insee, l’introduction d’un jour de carence entre 2012 et 2014 a fait nettement chuté les absences de deux jours. Mais dans le même temps, les arrêts maladie d’une semaine à trois mois ont augmenté.

C’est l’une des grandes mesures qui a nourri le mécontentement des fonctionnaires vis-à-vis du gouvernement : le rétablissement d’un jour de carence dans la fonction publique l’an prochain. Cette mesure, annoncée par le ministre de l’Action et des Comptes publics début juillet et intégrée au projet de Budget pour 2018, avait pour objectif de lutter contre ‘le micro-absentéisme qui désorganise les services’. Et au passage de faire une économie non négligeable de 170 millions d’euros.

L’avantage avec le jour de carence dans la fonction publique est qu’il est possible de se référer au passé pour en évaluer ses effets. En effet, Nicolas Sarkozy l’avait instauré en janvier 2012 avant que François Hollande ne le supprime en  janvier 2014. Mais jusqu’à présent, il fallait se contenter de l’étude d’un cabinet du secteur privé, le courtier en assurance Sofaxis. Ses experts faisait état d’une nette chute de l’absentéisme, mais leurs chiffres portait uniquement sur la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière.

Baisse des arrêts de deux jours

Or ce vendredi, l’Insee vient apporter un éclairage complémentaire, en étudiant l’impact du jour de carence sur les agents de la fonction publique d’État, celle dont les effectifs sont les plus importants.

Pour en mesurer les effets, l’Insee a recours à ce qu’il appelle la ‘prévalence’ c’est-à-dire ‘la part des agents qui sont absents pour des raisons de santé au moins une partie d’une semaine étudiée’.  

L’institut observe que globalement, la part des fonctionnaires absents sur une semaine pour des raisons de santé n’a pas été significativement modifiée avec l’instauration de ce jour de carence. La répartition des absences par contre a, elle, été changée. Les absences de deux jours ont ainsi été réduites de plus de 50% en raison de la mesure. ‘L’effet dissuasif du jour de carence sur le fait de commencer un arrêt maladie peut expliquer cette baisse’, commente sobrement l’Insee ajoutant que ces arrêts concernaient avant tout des affections ‘bénignes’.

La question des assurances complémentaires

En revanche, la prévalence des absences d’une semaine à trois mois a augmenté lors de la période d’instauration du jour de carence. Une hausse de 25%. Et après sa suppression elle a diminué.

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L’Insee invoque trois ‘mécanismes’ pour expliquer ce phénomène. ‘Tout d’abord, le jour de carence engendre un coût fixe pour le salarié à chaque prise d’arrêt maladie. Un agent n’a donc pas intérêt à hâter son retour au travail avant d’avoir la certitude d’être guéri. Ainsi, il peut trouver prudent de prolonger son arrêt, pour éviter une rechute synonyme d’une nouvelle pénalité’, développe l’Insee.

Autre raison évoquée : le jour de carence, de par son coût ferait hésiter les salariés à prendre un jour de congé. Du coup, au lieu de consulter leur médecin pour qu’il leur prescrive un arrêt maladie court, ils ne se soigneraient pas et leur santé se dégraderait. Si bien qu’in fine, leur arrêt maladie se révélerait bien plus long qu’il n’aurait dû l’être à la base.

Enfin le jour de carence a pu ‘générer chez des agents de la fonction publique le sentiment d’être injustement mis à contribution’ ce qui les conduirait, ‘par réaction’, à prolonger l’arrêt maladie, explique l’Insee.

Rappelons que dans le privé, la sécurité sociale impose deux jours de carence. Mais dans les faits, près de deux tiers des salariés du privé bénéficient d’une assurance complémentaire permettant de ne pas perdre de salaire lorsqu’ils sont arrêtés même pour un ou deux jours, selon un rapport sénatorial.

Source : bfmbusiness.bfmtv.com (10 novembre 2017)