La justice ouvre une brèche dans les subventions de portables

Revue de Presse

La Cour de cassation a donné raison à Free après plusieurs années de procédure en estimant que les subventions accordées par les opérateurs télécoms à leurs abonnés pour acquérir un téléphone portable pouvaient relever du crédit à la consommation.

L’arrêt rendu mercredi par la plus haute juridiction dans le système français pourrait avoir des conséquences importantes sur les pratiques commerciales des opérateurs qui se servent des subventions pour enfermer leurs abonnés dans des forfaits plus chers pour une durée de 12 à 24 mois en contrepartie d’un téléphone soldé.

L’affaire, qui oppose Free (groupe Iliad) à l’opérateur SFR (Altice), doit toutefois encore revenir devant la cour d’appel et les juristes sont divisés sur son interprétation.

L’opérateur fondé et dirigé par Xavier Niel avait saisi le tribunal de commerce en 2012 au sujet de forfaits ‘Carrés’ pratiqués par SFR entre juin 2011 et septembre 2012, estimant qu’ils constituaient une facilité de paiement susceptible de relever du crédit à la consommation.

Ces offres Carrés donnait le choix aux consommateurs entre des forfaits ‘prix Eco’ sans terminal, des offres avec un terminal à ‘un prix de référence’ associés à un forfait à un ‘prix éco’ ou encore des offres avec terminal à prix ‘attractif’ associées à un abonnement ‘un peu plus cher chaque mois’ pendant 12 ou 24 mois.

Le tribunal de commerce puis la cour d’appel ont débouté Free. Saisie le 9 mars 2016, la Cour de cassation a cassé et annulé la décision de la cour d’appel dans un arrêt que Reuters a pu consulter.

Soulignant que la qualification d’opération de crédit ‘s’entend, notamment, de toute facilité de paiement’, la Cour estime que la cour d’appel n’a pas répondu à la question qui lui était posée et a par ailleurs utilisé des motifs impropres pour exclure la qualification d’opération de crédit.

La question est clef car si les subventions étaient assimilées à du crédit à la consommation, elles devraient alors s’accompagner de toutes les dispositions prévues dans ce cadre par la réglementation, visant notamment à protéger les consommateurs.

Elle se pose avec d’autant plus d’acuité que les portables représentent un poste de dépense de plus en plus élevé pour les consommateurs avec des modèles hauts de gamme d’Apple et Samsung dépassant le millier d’euros.

 

CAS PARTICULIER OU PRINCIPE GÉNÉRAL ?

Ultra-majoritaires en France jusqu’en 2012, les ventes de forfaits avec terminal associé ont commencé à reculer avec le lancement de Free dans le mobile en 2012. Critique du système des subventions qu’il assimilait à des crédits à la consommation déguisés, l’opérateur a proposé des offres alternatives ‘SIM-only’ sans engagement avec la possibilité de louer des terminaux.

Alors qu’ils représentaient 83% des ventes en 2012, les forfaits avec portable ne constituaient plus qu’un tiers des contrats en 2016, selon des chiffres publiés par le régulateur des télécoms, l’Arcep, en mai 2017.

‘Vraisemblablement, la bonne vieille mécanique de la subvention par les opérateurs, elle a vécu. Il va falloir que les opérateurs soient plus créatifs et apportent plus de protection aux consommateurs’, a déclaré à Reuters Maxime Lombardini, directeur général d’Iliad.

‘Il reste une partie non négligeable d’abonnés qui sont aujourd’hui sous engagement et ce sont des forfaits à assez haute valeur ajoutée, et donc cela représente une part très significative du marché sur lequel nous n’avons pas encore pu véritablement porter la concurrence’, a-t-il ajouté.

Un concurrent de Free fait valoir de son côté que la décision de la Cour de cassation porte sur une offre particulière de SFR dont la structure et les conditions générales de vente ne sont pas nécessairement assimilables aux offres des autres opérateurs.

Cette interprétation n’est pas partagée par l’association de défense des consommateurs UFC Que Choisir pour laquelle la Cour de cassation associe le fait de payer plus cher un forfait couplé à une acquisition de terminal à une facilité de paiement.

‘La Cour de cassation a posé un principe de base qui s’applique à tous les opérateurs’, a déclaré à Reuters Antoine Autier, responsable adjoint du service des études d’UFC, qui compte prendre contact avec les opérateurs pour évaluer les mesures à prendre dans la foulée de la décision.

‘Cette décision concerne Free et SFR. Nous l’étudions pour évaluer les impacts chez Bouygues Telecom’, a indiqué une porte-parole de la filiale télécoms de Bouygues.

SFR n’a pas fait de commentaire dans l’immédiat. Orange n’a pas souhaité faire de commentaire. (Edité par Dominique Rodriguez)

Source : lesechos.fr (9 mars 2018)