« La lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes doit être globale »

Revue de Presse

Mardi 23 janvier, les 179 conseiller.e.s présent.e.s au Cese ont voté à l’unanimité la résolution sur l’égalité femmes-hommes. (Crédits : Wikipédia.org) Dans le cadre du Tour de France de l’Égalité, entrepris pour donner les armes au secrétariat d’Etat chargé de l’Égalité femmes-hommes pour la constitution de son projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a rendu sa contribution à Marlène Schiappa. Troisième assemblée chargée de représenter la société civile, le Cese a voté une résolution prônant un plan d’action à tous les niveaux. Explications avec Cristelle Gillard, chargée de projet pour la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité (DDFE).

Invité à rendre un avis sur l’égalité femmes-hommes, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a remis, ce mardi 23 janvier, une résolution à Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes.  Après une plénière rappelant que l’égalité professionnelle n’est pas encore réelle et que les violences faites aux femmes sont toujours aussi nombreuses, les 179 conseiller.e.s présent.e.s (sur les 233 élu.e.s) ont voté à l’unanimité la résolution. [Voir, en pied d’article, ‘Les 5 axes de la résolution du Cese’]

10000000000002640000013260e15c010a233cd6.jpgMardi 23 janvier, les 179 conseiller.e.s présent.e.s au Cese ont voté à l’unanimité la résolution sur l’égalité femmes-hommes.

LA TRIBUNE – La résolution du Cese arrive dans un contexte où l’on parle beaucoup de l’égalité femmes-hommes. La ministre du Travail s’est d’ailleurs exprimée dans le JDD à ce sujet. Est-ce un hasard ?

CRISTELLE GILLARD – Le fait que les ministres fassent des annonces sur les violences faites aux femmes était dans les tuyaux, mais c’est peut-être aussi la résolution qui, je pense, est audacieuse, avec des recommandations très concrètes, ainsi que la plénière organisée par le Cese, qui ont joué dans le fait que les ministres se saisissent de la question. Si les deux se font en même temps, c’est tant mieux. Au Cese, nous portons des préconisations qui sont importantes sur l’égalité professionnelle et les violences faites aux femmes, mais cela fait très longtemps que l’on s’intéresse à ces sujets. C’est ce qu’on a souhaité rappeler. On ne surfe pas sur l’actualité. Nos travaux ont commencé bien en amont de ces vagues successives inédites de la libération de la parole des femmes à la suite de l’affaire Weinstein. D’ailleurs, l’étendue des travaux montre l’engagement du Cese, et particulièrement de sa Délégation aux droits des femmes et à l’égalité, qui existe depuis 2000.

Le Cese était attendu sur ces sujets…

C’est vrai que la sollicitation d’une intervention du Cese a été demandée [par la secrétaire d’Etat dans le cadre du Tour de France de l’Égalité, Ndlr], mais nous avons choisi la forme  : la plénière. Il était important de s’organiser sur trois temps  : celui de l’actualisation de nos études, qui est un peu un temps d’introspection sur les organisations qui composent le Cese notamment ; celui de l’analyse de deux sujets qui sont à la fois des piliers du Tour du France de l’Égalité, mais également des thématiques sur lesquelles nous avons porté des travaux (l’égalité professionnelle et les violences faites aux femmes) ; puis, le vote de la résolution avec des propositions d’actions.

Pensez-vous qu’après la libération de la parole, tout est réuni pour un passage à l’acte ?

Je ne sais pas si c’est la bonne image, mais c’est un peu comme quand on fait sortir le dentifrice du tube, on ne peut plus le remettre dedans ensuite. Maintenant que la parole s’est libérée, que l’écoute des femmes est là, nous vivons un vrai changement. Il faut cependant qu’il soit accompagné par une volonté. Françoise Héritier parlait de «  l’optimisme de l’action », mais il existe aussi l’optimisme de la volonté. Au-delà des constats, c’est désormais le temps de l’action et des actes. C’est ce que représente pour moi cette résolution.

Qu’attendez-vous du gouvernement ?

Nous serions très contents que le gouvernement s’appuie sur les travaux du Cese et reprennent nos recommandations. Si on écoute le discours de Marlène Schiappa, d’ailleurs, tout porte à croire que ce sera le cas. Elle va étudier les propositions de notre résolution et, pour certains points, nous sommes en phase, notamment pour les violences faites aux femmes.

Sur l’égalité professionnelle, il y aura des questions. Au Cese, on mobilise l’ensemble des acteurs de la négociation collective, que sont les interlocuteurs sociaux, à ce sujet. La ministre du Travail a annoncé la tenue d’une réunion d’ici au mois de mars. Attendons de voir. Mais bon nombre des organisations qui sont représentées dans le Cese porteront des revendications, dont certaines sont présentes dans cette résolution d’ailleurs. Par exemple, les négociations en termes d’égalité professionnelle  : on peut rappeler aux interlocuteurs sociaux qu’ils ont la possibilité d’assortir leurs négociations d’une obligation de résultats. Et ça, c’est quelque chose qui est très fort. Le fait de demander au gouvernement que le fruit des sanctions financières des entreprises soit dédié à l’égalité professionnelle est également une revendication forte.

Ce n’est donc que le début des débats ?

Les discussions se poursuivent, dira-t-on. Pour le Cese, c’est à la fois la conclusion de beaucoup de travaux et le commencement de quelque chose de nouveau. La résolution représente un acte fort, d’engagement, qui est porté par tous, à l’unanimité.

Dans cette résolution, vous insistez sur la nécessité d’un plan d’action global. Violences sexistes, inégalité professionnelle… tout est lié selon vous ?

Tout à fait. La lutte pour l’égalité doit être abordée dans sa globalité et à tous les niveaux. L’égalité professionnelle, qui est centrale, est liée aux stéréotypes de sexe – qui sont à la racine des discriminations -, mais est aussi liée à l’accès aux droits des femmes et à l’éducation, qui tient un rôle central. Tout est un ensemble cohérent d’où la globalité d’actions.

Surtout, nous voulons insister sur l’effectivité des politiques publiques. Pour ce faire, il est nécessaire que la lutte soit globale mais aussi que les moyens dédiés soient contrôlés. L’évaluation est importante. Cette idée parcourt l’ensemble de la résolution et c’était déjà une demande du Cese. Suite aux ordonnances, nous avons demandé qu’un comité d’évaluation réalise un suivi de leurs impacts. Pour le temps partiel, qui touche majoritairement les femmes, nous avons également recommandé un suivi. Comment en effet évaluer les effets et les impacts des dispositifs publics si nous les évaluons pas ?


ANNEXE

La résolution du Cese s’appuie sur 5 axes  :

‘Fixer de nouveaux objectifs pour atteindre l’égalité professionnelle’. Ceci inclut : une meilleure formation des acteurs de la négociation et des agents de l’inspection du travail ; le rappel que la négociation doit être assortie d’une obligation de résultat ; l’application de la loi quant aux sanctions financières attribuées aux entreprises contrevenantes et le versement du fruit des pénalités à l’égalité professionnelle.

 ‘Renforcer dans l’éducation les moyens pour lutter contre les stéréotypes’. Le Cese recommande, entre autres, davantage d’actions de sensibilisation et de formation, de la crèche à l’université ; une meilleure éducation sexuelle.

■ ‘Renforcer les moyens de lutte contre les violences sexistes et sexuelles’ avec une formation renforcée pour tout.e.s les interlocuteurs.trices ; une hausse des brigades de protection dédiées à la lutte contre ces violences ; la hausse de l’offre d’hébergement pour les victimes ; la protection des plus jeunes face aux contenus à caractère pornographique.

‘Engager et mettre en œuvre des politiques publiques exemplaires en matière d’égalité’. Cela passe par la production de statistiques sexuées et par l’évaluation des dispositifs et des politiques publiques.

■ ‘Affecter les budgets à hauteur des besoins en faveur des droits des femmes et de l’égalité‘. Le Cese formule la nécessite d’augmenter le budget dédié au programme pour l’égalité entre les femmes et les hommes et celui des actions interministérielles. En outre, il soutient l »expérimentation du gouvernement’ d’un budget sensible au genre.

Source : latribune.fr (25 janvier 2018)