Le burn-out « pas une maladie professionnelle » : Muriel Pénicaud a-t-elle raison?

Revue de Presse

S’il n’est pas automatiquement reconnu en tant que tel, le syndrome d’épuisement professionnel interroge toutes les entreprises.

POLITIQUE – Muriel Pénicaud a eu le privilège de prendre de court Jean-Jacques Bourdin. Ce lundi 12 février sur BFMTV, elle a affirmé que ‘le burn-out n’est pas une maladie professionnelle’. Pourquoi? ‘Une maladie professionnelle, cela voudrait dire quelque chose qui n’existe que dans le monde professionnel et qui est lié 100% au monde professionnel. C’est comme si vous disiez que la dépression est une maladie professionnelle’, a affirmé la ministre au journaliste.

éfinition a de quoi surprendre, quand on sait que la traduction française du burn-out est le ‘syndrome d’épuisement professionnel’ et qu’il s’exprime essentiellement dans le cadre de la vie en entreprise, que celle-ci soit privée ou publique. Elle n’en demeure pas moins partiellement juste, si l’on considère que la ministre voulait dire que le burn-out n’est pas reconnu comme une maladie professionnelle.

Dans un guide d’aide à la prévention édité en 2015, réalisé en lien avec l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) et l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), le ministère du Travail (dont Muriel Pénicaud a la charge) pointait bien du doigt les symptômes liés au burn-out (fatigue extrême due à une exposition continue à des facteurs de risques psychosociaux, cynisme vis à vis du travail et diminution de l’accomplissement personnel au travail) et leur corrélation avec un environnement de travail dégradé ou inadapté.

N’en déplaise à Muriel Pénicaud, le guide précise par ailleurs les différences notables permettant de distinguer une dépression d’un burn-out, ce dernier étant directement lié à la vie professionnelle.

10000000000003e6000002c8c2d51dd2838b5d4a.png Ministère du Travail

Malgré cela, le burn-out n’est toujours pas reconnu officiellement comme une maladie professionnelle au sens où elle ne figure pas dans la (longue) liste des tableaux de maladies officiellement reconnues comme résultant directement d’un risque lié à l’exercice d’une profession. Au sens médico-légal du terme, un salarié qui contracterait une ‘maladie professionnelle’ n’a pas à prouver qu’il existe un lien entre cette maladie et son travail. Principal avantage : la reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie ouvre droit à différentes prestations pour la victime (indemnisation de son incapacité permanente et/ou temporaire).

Un débat médical, une question politique

Pourquoi le burn-out n’est-il toujours pas inscrit parmi les maladies professionnelles? En mai 2017, la Haute autorité de la Santé (HAS) l’expliquait en ces termes : ‘syndrome complexe et aux manifestations diverses, [le burn-out] est mal connu, difficile à repérer, parfois diagnostiqué à tort ou confondu avec d’autres troubles psychiques.’ Autrement dit, comme l’a d’ailleurs souligné Muriel Pénicaud, il n’existe pas aujourd’hui, y compris au niveau de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), de consensus médical pour considérer le burn-out comme une maladie à part entière et pour établir un lien de cause à effet direct entre l’exercice d’une activité et le déclenchement d’un burn-out.

Antécédents dépressifs, problèmes personnels et/ou familiaux… ‘Il existe toutes sortes de causes étrangères à l’entreprise qui peuvent intervenir dans le déclenchement du burn-out sans que la responsabilité de la direction ou managériale ne soit engagée’, rappelle au HuffPost Stéphane Béal, directeur du département Droit social du cabinet Fidal pour qui ‘la terminologie du burn-out crée un malentendu dès le départ’. ‘Prenez un accident du travail : la loi présume que tout incident qui se déroule dans le cadre du travail est de la responsabilité de l’employeur. Faut-il que toute maladie, ici l’épuisement professionnel, soit considérée comme relevant de la seule responsabilité de l’employeur?’, interroge-t-il.

S’il n’est pas a priori catégorisé comme une maladie professionnelle, le burn-out peut en revanche l’être a posteriori et au cas par cas. L’INRS rappelle que l’employé se doit ‘d’établir un lien de causalité entre la maladie et ses conditions de travail habituelles’ et d’apporter la preuve que celles-ci ont ‘entraîné son décès ou une incapacité permanente d’au moins 25%’. Ce qui est souvent compliqué et rarement compatible avec son état de santé.

C’est pour cela que la proposition de loi portée par le député France insoumise François Ruffin visait à inscrire plusieurs pathologies psychiques ‘relevant de l’épuisement professionnel’, la dépression, l’anxiété généralisée, le stress post-traumatique, au tableau des maladies professionnelles à compter de 2019. En vain.

Source : huffingtonpost.fr (12 février 2018)