Monde à l’envers : ces salariés qui fixent le salaire de leur manager

Revue de Presse

Jadis patron « classique», le PDG de GT location a décidé de « libérer» son entreprise. L’une des mesures phare du concept est de confier la question de la réévaluation des rémunérations aux équipes elles-mêmes.

Le vocabulaire de cet entrepreneur a de quoi laisser perplexe. Il mêle dans son discours des notions toutes libérales : l’efficacité, l’innovation, la rentabilité.. À des mots qui font appel à un imaginaire beaucoup moins capitaliste : « l’autocritique», « l’autogestion»… Mais à 60 ans, Michel Sarrat, PDG de la société de location de véhicules industriels GT location, ne craint pas le mélange des genres. Son ambition, « réinventer l’entreprise».

Pour ce Girondin, une prise de conscience s’opère en 2011 quand l’équipe dirigeante de son entreprise fait face à de graves problèmes de santé. Pour lui, c’est un électrochoc : « il doit prendre soin de ses collaborateurs, se soucier de leur bien-être». Mais comment s’y prendre? « Nous avons mis en place des réunions dans chacune de nos filiales pour libérer la parole, je suis venu en tant que simple auditeur, 1 salarié sur 2 s’est déplacé pour venir, alors que les réunions étaient le samedi. Cela m’a ouvert les yeux.»

L’objectif de Michel Sarrat est de faire de son entreprise, une entreprise « libérée». Ce concept vise avant tout à responsabiliser les salariés, afin qu’ils soient en mesure de s’autogérer. Si ce concept avait déjà été développé par certaines start – up. Une telle ambition est un véritable pari à l’échelle d’une entreprise telle que celle de Michel Sarrat qui emploie tout de même 1800 salariés et réalise un chiffre d’affaires annuel de plus de 130 millions d’euros.

La clef pour la réussite de cette entreprise? « La confiance» explique le PDG tout sourire. Une confiance qui se développe au sein des équipes grâce à une gestion des ressources humaines complètement repensée. Dans l’entreprise de location de véhicules, les recrutements sont collaboratifs, c’est-à-dire que les salariés participent au processus accompagner par une personne des RH. Un moyen de développer plus facilement de bonnes dynamiques au sein des équipes.

« Je n’ai pas de pouvoir décisionnaire donc je peux m’exprimer librement, à la fin des échanges. Nous décidons tous collectivement de la rémunération de chacun»

Michel Sarrat, PDG de GT Location

Plus audacieux encore, la compagnie pousse la logique d’autogestion un peu plus loin, en l’appliquant à la question sensible de la réévaluation des salaires. Ses cadres ont donc été invités, pour leurs réévaluations de salaires de 2014, à fixer le montant avec leurs équipes et non pas, comme cela se fait traditionnellement, auprès du PDG directement. Comme ce genre de comportements innovants peut être confusants pour les salariés, Michel Sarrat n’a pas hésité à montrer la voie sur ce point, en appliquant la démarche à sa propre rémunération.

Concrètement, une fois par an, les chefs d’équipes commencent par faire leur autocritique, puis, à l’issue d’une discussion avec leurs collègues et collaborateurs, soumettent la réévaluation de leur rémunération. « Je n’ai pas de pouvoir décisionnaire donc je peux m’exprimer librement, à la fin des échanges. Nous décidons tous collectivement de la rémunération de chacun», explique Michel Sarrat, qui valide quand même ou non au final le montant.

« J’ai vraiment l’impression qu’on est passé d’une logique de père de famille qui décide à l’unilatérale, à celle d’un véritable sens du collectif» déclare Michel Sarrat, ravi. De ce qu’il appelle « notre aventure» le PDG a tiré un livre, « un récit, qui raconte comment on peut assumer notre part de liberté tout en respectant notre part de responsabilité au sein de l’entreprise.» L’ouvrage a été publié fin avril. Son titre? « Nous réinventons notre entreprise».

Source : lefigaro.fr (25 mai 2018)