Burn-out et droit à la déconnexion : les entreprises face à leurs responsabilités

Revue de Presse

Cela fait des années qu’en tant que chef d’entreprise j’observe l’évolution de la société et de nos sociétés. Force est de constater qu’un modèle, celui de l’entreprise libérée, et toutes ses déclinaisons tendant à limiter voire faire disparaitre la hiérarchie pour transmettre l’initiative à chaque collaborateur, occupe le devant de la scène. 

Les défenseurs du modèle hiérarchique diront que l’entreprise libérée est un terroir favorable au burn-out en raison du sur engagement qu’elle provoque en créant un devoir de performance permanent de chaque collaborateur vis-à-vis de l’équipe. Mais faudrait-il se résoudre à choisir entre ennui et burn-out ? 

Et surtout, comment prévenir ce tristement célèbre burn-out, ou épuisement professionnel, auquel près de 3,2 millions de français seraient exposés** ? 

Burn-out : l’entreprise responsable ou amplificatrice ?  

L’équilibre entre vie professionnelle et vie privée est fondamental pour le bien-être des salariés et il est évident que l’entreprise y joue un rôle central. 

Pour fuir un problème ou compenser une perte d’efficacité temporaire, certains salariés peuvent rentrer dans un cercle vicieux « d’échappatoire » au travail. Dans ce cas, l’entreprise pourra être non pas la cause, mais tout du moins l’amplificateur d’une fragilité ou d’un mal-être issu de la sphère personnelle. 

À défaut d’être compris, ce manque de performance est trop souvent interprété comme une perte de motivation ou un manque de compétences. Et même dans le cas où une difficulté personnelle est évoquée, l’employeur, appuyé souvent par les autres salariés, préfère invoquer le respect de la vie privée pour s’absoudre d’en tenir compte. Or, il y a un énorme fossé entre s’immiscer dans la vie privée de ses salariés et la prendre en considération afin de désamorcer une situation critique qui nuira, in fine, à l’entreprise dans son ensemble.

L’utopie du droit à la déconnexion 

Pour répondre aux abus croissants de la société (et des sociétés), et créer les protections nécessaires à la santé des salariés, un « droit à la déconnexion » a été inscrit dans le code du travail depuis 2016. Mais de mon point de vue, le droit à la déconnexion est une solution juridique à un problème personnel et individuel. De ce fait, loin de protéger, cette loi autorise plutôt les entreprises à se dessaisir des problèmes que rencontrent leurs salariés, « après tout, s’il fait un burn-out ce n’est pas mon problème, il n’avait qu’à ‘se déconnecter’ puisqu’il en a le droit ! » 

Espérer pouvoir cloisonner aussi facilement le personnel et le professionnel semble être une solution caricaturale qui ne règle pas le problème de fond qui est de savoir détecter les problèmes en amont qu’ils soient professionnels ou personnels pour pouvoir les régler avant que le salarié et l’entreprise n’en souffrent.


Faire l’autruche n’a jamais permis de résoudre un problème 
 

L’entreprise se définit comme une somme d’individus et non plus comme un tout. Sa performance passe donc par le bien-être et la performance individuelle de ses salariés. Mais comment prendre en compte chaque individu dans une société qui en compte plusieurs centaines, voire plusieurs milliers ? Comment respecter l’égalité sociale des salariés tout en prenant en compte les contraintes individuelles de chacun ? Comment soutenir certains salariés, sans en freiner d’autres ? Comment agir et accompagner le salarié sans se prendre pour un thérapeute ? Autant de questions auxquelles nous, chefs d’entreprise, sommes confrontés au quotidien.

Une des solutions serait de privilégier les réseaux et relais internes qui sont plus importants que la hiérarchie. Ils permettent de détecter les facteurs de dépression, burn-out, isolement, avant qu’ils ne s’amplifient et surtout sensibiliser les employés au fait d’alerter s’ils remarquent de tels signaux chez leurs collègues. Faire prendre conscience à chacun que signaler est une preuve de bienveillance et non de trahison.

Il n’est pas dans l’intérêt des entreprises de se voiler la face sur les problèmes de leurs salariés, qu’ils soient personnels ou professionnels, d’autant plus s’ils impactent l’organisation. Il faudrait au contraire prendre le problème à bras le corps, générer une véritable prise de conscience collective des risques liés à certains abus et privilégier avant tout le collectif tout en individualisant le suivi.

Détecter, c’est pour l’entreprise, comprendre, accepter et accompagner temporairement une perte de performance plutôt que risquer de la sanctionner par ignorance et maladresse.

La gestion des ressources humaines est un investissement pour l’entreprise. La sécurité et la formation sont en général assez bien traitées, or la santé, le bienêtre et la confiance sont des leviers moins connus de la performance et selon moi, c’est cet ensemble qui constitue le fondement d’une entreprise bienveillante.

 

** Etude du cabinet Technologia, publiée en 2014.

Source : brefeco.com (10 novembre 2017)