Ordonnances : les points réécrits par les députés

Revue de Presse

Ressources et expertises du comité social et économique, droit d’alerte des délégués du personnel, accords emploi, contrôle de l’accord de rupture conventionnelle, désignation du délégué syndical, inaptitude, etc. : nous passons en revue les changements introduits dans les ordonnances par les députés lors de l’examen du projet de loi de ratification.

Avis aux représentants du personnel et aux directions d’entreprises qui pensaient avoir, avec les ordonnances publiées en septembre, des textes sécurisés, notamment en vue de la mise en place du comité social et économique (CSE) ! Ces textes seront modifiés par le projet de loi de ratification. Les députés, qui ont terminé en première lecture l’examen du projet de loi (ils voteront l’ensemble du texte demain), ont apporté plusieurs changements, parfois importants comme la restauration du droit d’alerte pour les délégués du personnel de 11 à 50 salariés, la modification des règles de prise en charge des expertises, ou encore sur l’inaptitude et la santé au travail. Des changements que nous vous présentons ci-dessous. Certains reprennent des dispositions apportées par la commission des affaires sociales.

CSE et mandats

► Le transfert de l’excédent annuel du budget de fonctionnement vers le budget des activités sociales et culturelles reste autorisé mais il sera plafonné dans des conditions fixées par décret (article L. 2315-61 du code du travail). ‘L’utilisation de la subvention de fonctionnement du comité social et économique doit en principe permettre au comité de prendre en charge ses frais de fonctionnement. Par conséquent, un transfert total de l’excédent n’est pas souhaitable’, justifie le gouvernement (l’amendement).

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► Afin d’éviter, du fait de l’extension de la règle de cofinancement des expertises légales du CSE (80% employeur et 20% instance), de pénaliser les instances qui ne disposent que d’un budget de fonctionnement modeste, il est introduit un filet de sécurité imposant à l’employeur de payer l’intégralité du coût de l’expertise dès lors que (ces deux conditions sont cumulatives) :

  • l’instance a épuisé son budget de fonctionnement ;
  • le budget de fonctionnement du comité social et économique n’a pas donné lieu à un excédent annuel au cours des trois années précédentes.
    En contrepartie de cet effort financier supplémentaire exigé de l’employeur, le CSE ne pourra pas transférer d’éventuels excédents du budget de fonctionnement au financement des activités sociales et culturelles pendant les trois années suivantes (l’amendement).

►  Les modalités de calcul de la subvention minimale de l’employeur au profit des activités sociales et culturelles du CSE sont revues. La nouvelle rédaction de l’article L. 2312-81 supprime la garantie minimale exprimée en valeur et appréciée sur les trois dernières années pour ne garder qu’une référence à une garantie en pourcentage de la masse salariale, limitée à la seule année précédente (l’amendement et notre article).

► L’expertise pour préparer la négociation sur l’égalité professionnelle (dans les entreprises de plus de 300 salariés) sera intégralement financée par l’employeur lorsque l’entreprise ne renseigne pas dans la base de données économiques et sociales (BDES) les indicateurs relatives à l’égalité professionnelle. Mais cette menace ne vaut que si aucun indicateur n’a été renseigné…(l’amendement).

► L’article L. 2312-5 est modifié afin que soit rétabli, sous le seuil de 50 salariés, le droit d’alerte des délégués du personnel en cas d’atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles (art. L.2313-59), à un danger grave et imminent ou de risque grave sur la santé publique ou l’environnement (art. L. 4131-1 à L.4133-4). L’ordonnance de septembre avait en effet fait disparaître le droit d’alerte des DP sous les 50 salariés. (l’amendement).

► Délai d’expertise (art. L. 2315-85) : un décret doit préciser les délais dans lesquels l’expert remet son rapport ainsi que les modalités et conditions de l’expertise. Un amendement précise que ces questions pourront aussi faire l’objet d’un accord dans l’entreprise (l’amendement).

► L’article L. 2143-3 est légèrement modifié pour donner plus de souplesse aux organisations syndicales pour la désignation de leur délégué syndical (notre article). Si l’ensemble des élus remplissant les conditions pour être désignés DS y renoncent par écrit, une organisation syndicale représentative pourra désigner un DS en dehors des élus ayant obtenu au moins 10% des voix aux élections, c’est à dire en désignant un autre candidat de la liste aux élections ou à défaut un salarié adhérent (l’amendement).

► A l’initiative du gouvernement, les députés modifient les dispositions de désignation des délégués syndicaux et la portée des accords collectifs propres à la Caisse des dépôts, suite à une censure du Conseil constitutionnel (l’amendement).

Négociation collective

► La première ordonnance du 22 septembre prévoit que sur le bloc 1 (prééminence de la branche) et le bloc 2 (possibilité pour la branche de verrouiller des thèmes) un accord d’entreprise peut néanmoins être conclu s’il prévoit ‘des garanties au moins équivalentes’ à celles prévues par les accords de branche. Cette notion présente dans l’art. L. 2253-2 nourrit les interrogations des juristes et négociateurs. ‘L’équivalence des garanties (..) s’apprécie par ensemble de garanties se rapportant au même objet’, précisent les députés (l’amendement).

► Les députés instituent un article L. 2141-7-1 du code du travail, qui reprend et complète le contenu de l’article 13 de l’ordonnance n°1385 du 22 septembre 2017. Ce nouvel article prévoit l’obligation pour l’employeur d’informer chaque année les salariés, par tout moyen, de la disponibilité des adresses des organisations syndicales représentatives dans la branche dont relève l’entreprise sur le site du ministère du Travail (l’amendement).

Code du travail numérique et publicité des accords collectifs

► Le code du travail numérique devra comprendre les dispositions conventionnelles de branche, d’entreprise et d’établissement (l’amendement) ‘sous réserve de leur publication’ (l’amendement).

► Au nom du ‘droit à l’oubli’, les députés ont choisi d’imposer la publication de façon anonymisée (c’est à dire sans les noms et prénoms des négociateurs et signataires) de tous les accords collectifs versés dans la base de données nationale qui vient d’être ouverte, à l’exception des accords de branche (art. L. 2231-5-1). (l’amendement).

Accords emploi

► L’accord emploi (ou compétitivité) fusionnant les accords de préservation et développement de l’emploi (APDE), de maintien dans l’emploi (AME) et de réduction du temps de travail et de mobilité interne (art. L. 2254-2), pourra préciser ‘les modalités d’accompagnement’ des salariés refusant l’application de l’accord (et donc licenciés) ‘ainsi que l’abondement du compte personnel de formation’ au-delà de 100 heures, alors que ces 100 heures étaient auparavant formulées comme un abondement maximum (l’amendement).

► Le délai d’un mois imparti au salarié pour faire connaître son éventuel refus de se voir appliquer un accord emploi (ou accord compétitivité) court à partir du moment où l’employeur a informé les salariés, ‘par tout moyen conférant date certaine et précise, de l’existence et du contenu de l’accord, ainsi que du droit de chacun d’eux d’accepter ou de refuser l’application à son contrat de travail de cet accord’ (art. L. 2254-2) (l’amendement).

Congé de mobilité

► Les députés généralisent le congé mobilité en supprimant le seuil fixé par les ordonnances à 300 salariés (il était auparavant de 1000). (art. L. 2242-20) (l’amendement).

Inaptitude, santé au travail et risques chimiques

► La rédaction des modalités de prise en charge des frais d’expertise dans la nouvelle procédure de contestation des avis d’inaptitude du médecin du travail est modifiée. Les députés adoptent une formulation visant à permettre au juge prud’homal de ne pas mettre les frais d’expertise à la charge de la partie perdante, ceci afin de ne pas dissuader les salariés, dit l’exposé de l’amendement, d’opérer un recours en raison de la potentielle prise en charge des frais que pourrait lui imposer le juge (art. L. 4624-7). (l’amendement).

► Un arrêté des ministres du Travail et du Budget fixera les honoraires et frais d’expertise dans le cadre la procédure de contestation des avis d’inaptitude du médecin du travail (l’amendement).

► Les travailleurs bénéficiant d’un suivi individuel de la part de la médecine du travail, ou qui en ont bénéficié pendant une période à définir par décret, devront passer une visite médicale auprès du médecin du travail avant leur départ en retraite, selon un délai fixé par décret. Cet examen médical servira à ‘établir une traçabilité et un état des lieux, à date, des expositions à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels’. S’il ‘constate une exposition du travailleur à certains risques dangereux, notamment chimiques’, le médecin du travail pourra ‘mettre en place une surveillance post-professionnelle en lien avec le médecin traitant’, selon des modalités fixées par décret (l’amendement).

Licenciement

► Un salarié licencié à l’issue d’un contrat de chantier bénéficiera d’une priorité de réembauche en CDI, s’il en fait la demande. C’est un accord qui devra fixer les modalités de ce droit (art. L. 1236-9) (l’amendement).

► Pour les établissements de crédit et sociétés de financement, il est ajouté un article L. 511-84-1 au code monétaire et financier. Cet article exclut les primes et bonus récupérables versés par l’employeur du calcul des indemnités de rupture du contrat de travail des ‘preneurs de risques’, au sens de la réglementation financière européenne (amendement).

Rupture conventionnelle

► Les mesures devant être adoptées par les entreprises dans le cadre de la rupture conventionnelle collective devront être des mesures ‘d’accompagnement’ des salariés. L’administration validera l’accord de rupture conventionnelle ‘après s’être assurée’ que les mesures de ‘reclassement externes et d’accompagnement prévues au 7° de l’article L. 1237-19-1 sont précises et concrètes et si elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à l’objectif d’accompagnement et de reclassement externe des salariés’ (art. L. 1237-19-3) (l’amendement).

 

► Le projet de loi, qui doit être formellement voté en première lecture demain par l’Assemblée nationale, devrait arriver au Sénat en décembre. 

Source : actuel-ce.fr (27 novembre 2017)