Quand l’État vend les « bijoux de famille »

Revue de Presse

En vendant pour 1,53 milliard d’euros du capital du groupe Engie, l’État a engagé le vaste mouvement de cessions de participations publiques, visant à financer l’innovation. La démarche suscite des convoitises mais aussi des interrogations dans les milieux économiques.

On les appelle les bijoux de famille de l’État. Une sorte de prise de guerre aussi. Les nationalisations ou prises de capital de l’État dans des entreprises privées résultent à la fois des fruits de l’histoire (crise de 1929, reconstruction…) et d’une volonté politique (Front populaire, de Gaulle, Mitterrand) de contrôler ou de sauver certains secteurs stratégiques : SNCF, EDF, armement, banques.

Si, depuis les années 80, la tendance est au désengagement, l’État n’en est pas moins à la tête d’un portefeuille de près de 100 milliards d’euros, grâce à une participation dans 81 entreprises, dont 70 sociétés cotées en bourse.

Un trésor de guerre qu’Emmanuel Macron et son gouvernement n’entendent pas laisser dormir. Ils souhaitent en effet récupérer 10 milliards d’euros en vendant une partie de ces actifs. Une somme qui doit en principe être injectée dans un fonds destiné à financer l’innovation, promis par le président de la République pendant sa campagne.

Cette manne pourrait également servir à financer le sauvetage d’EDF et d’Areva, la participation dans le chantier naval STX ou d’autres dépenses. Surtout à la veille de boucler un budget 2018 pour le moins contraint.

Engie en première salve

Une stratégie dénoncée à gauche par l’ancien secrétaire d’État au Budget socialiste, Christian Eckert : il accuse l’État de vouloir « brader les bijoux de famille ». À droite, on se veut plus pragmatique (lire par ailleurs).

C’est finalement Engie (ex-GDF Suez) qui a ouvert le bal, la semaine dernière. Selon l’Agence des participations de l’État (APE), chargée de gérer le portefeuille public, 4,5 % du capital du groupe énergétique a ainsi été cédé, pour un montant de 1,53 milliard d’euros. Après cette opération, l’État détient encore 24,1 % du capital d’Engie et reste l’actionnaire de référence du groupe.

Ces cessions permettront « au contribuable de savoir que son argent est placé pour le futur et non pas pour le passé » , a assuré le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, en confirmant sans précision sur les entreprises concernées, que les grandes manœuvres débuteraient « dans les prochaines semaines ». Engie n’était donc qu’une mise en bouche qui permet, en outre, de tester la réaction du marché sur la vente des actifs de l’État.

Quelles sociétés concernées ?

Quelles seront les prochaines entreprises à céder ? Bruno Le Maire a d’emblée écarté les secteurs stratégiques (énergie, SNCF, armement, finance). Mais plusieurs noms reviennent avec insistance, comme Renault, où l’État est monté au capital en 2015 en promettant de revendre ses titres. Ou bien Orange, au capital duquel l’État n’a pas « vocation » à rester « de manière pérenne » , selon Emmanuel Macron.

Aéroports de Paris (ADP), en pleine forme financière, convoité par le groupe Vinci, et qui pourrait rapporter 7 milliards d’un coup, figure en tête de liste. La Française des jeux suscite de fortes attentes chez les investisseurs. Mais l’État propriétaire de 72 % du capital doit y réfléchir à deux fois, tant la société génère une cagnotte inespérée : 130 millions par an de dividendes – sans parler des 3,1 milliards prélevés en 2017 sur les gains. Bingo.

Pour tirer le meilleur profit de ses actifs selon les cours de la bourse, l’exécutif souhaite communiquer le moins possible sur ses futures ventes : « Ne comptez pas sur moi pour vous dire quelles entreprises et à quelles dates » , a prévenu le Premier ministre.

Source : lalsace.fr (15 septembre 2017)