Quand l’entreprise dit aux salariés : déconnectez !

Revue de Presse

Plusieurs entreprises en France ont mis en place cet été des dispositifs pour inciter leurs salariés à ne pas rester rivés sur leurs mails et les outils numériques. Google, Facebook et Apple embrayent dans la sphère privée. Sans arrière-pensée ?

Les nouvelles versions des deux systèmes d’exploitation pour smartphones, Google et Android, incluent des outils pour limiter le temps passé sur une application. Photo domaine public/Pixabay



«  C’est l’été, déconnectez ! » . La tendance du «  digital detox » ne se limite plus à des conseils. Depuis l’inscription du «  droit à la déconnexion » dans la loi française, des entreprises ont développé des dispositifs techniques en ce sens.

Chez Bouygues Telecom, un système avertit les employés lorsqu’ils sont connectés depuis trop longtemps ; celui de Michelin alerte les services RH en cas de trop nombreuses connexions hors temps de travail. À La Poste, un message en fin de mail invite à ne pas y répondre hors des heures de travail. Pour Catherine Lejealle, sociologue spécialiste du digital, ces initiatives sont positives  : «  On a trop le nez dans le guidon pour pouvoir décrocher nous-mêmes. Pour ne pas en arriver à des cas de burn-out, il faut bien que quelqu’un soit vigilant… ».

Véritable souci du bien-être des salariés ou rationalité économique ? Dans son enquête La déconnexion aux technologies de communication (2014), le sociologue Francis Jauréguiberry rappelait  : «  C’est au demeurant davantage ce second point (danger de contre-performance) que le premier (risques psychosociaux) qui a motivé les premières études managériales sur la déconnexion ».

Les Gafa s’y mettent aussi

Depuis peu, les géants du web se sont emparés du sujet. Google, qui affirme sa volonté de «  rendre du temps aux utilisateurs », a présenté en mai dernier un panel d’outils dans un ce sens. La dernière version d’Android, Pie, inclut une fonction test «  bien-être numérique », qui permet aux utilisateurs d’établir la limite de temps qu’ils souhaitent passer sur une application, laquelle se ferme ensuite automatiquement. Même principe sur la prochaine version d’iOS sur les smartphones Apple. Facebook a dévoilé début août un nouvel outil censé aider ses utilisateurs à s’autoréguler  : il indique le temps passé sur la plateforme, permet de fixer une limite et de recevoir une alerte correspondante ou de mettre en pause les notifications. Sur Instagram, une fonctionnalité prévient désormais l’utilisateur qu’il a vu toutes les dernières publications.

‘Leur réponse reprend toutes les métriques de la productivité’

«  Ces outils font un peu sourire quand on sait comment marche le business model  de ces services  : à un moment, soit ils revendent notre capacité d’attention, soit ils deviendront payants », souligne Catherine Lejealle. Exception faite d’Apple, dont le modèle repose essentiellement sur la vente de matériel, iPhone en tête. Ces entreprises «  prétendent nous libérer de l’injonction à l’hyper-connexion qu’elles ont elles-mêmes créée. Mais leur réponse reprend toutes les métriques de la productivité  : temps d’affichage, nombre de clics… », souligne au Figaro Antonio Casilli, professeur de sociologie à l’EHESS. L’injonction serait-elle un moyen de reprendre la main sur le marché de la déconnexion ? Il est déjà occupé par de nombreuses applications (Space, Flipd, Calldoor, Offtime) et autres «  stages de digital detox » en maisons d’hôtes ou hôtel, venus des États-Unis…

62 % des Français répondent à leurs appels et mails pros en vacances, selon une étude réalisée par l’agence d’intérim en ligne Qapa, publiée le 9 juillet. 59   % des personnes interrogées affirment que cela ne les dérange pas.

Source :   leprogres.fr (20 aôut 2018)