Réforme du Code du travail : une primauté des accords de branche très encadrée

Revue de Presse

DÉCRYPTAGE – Le ministère du Travail sera plus regardant avant de transposer à l’ensemble des entreprises d’un secteur les dispositions sociales qui ont été actées par les partenaires sociaux de la branche.

Certains spécialistes jugent que les ordonnances Pénicaud font la part un peu trop belle aux branches et que la réforme du Code du travail n’a, au final, rien à voir avec le renforcement des accords d’entreprise. Résultat? La loi travail version Macron n’aura que peu d’effets sur l’emploi.

« Le gouvernement a décidé de fixer la négociation de la quasi-totalité des sujets sociaux au niveau de la branche : salaires minima, classifications, formation professionnelle, garanties collectives complémentaires, périodes d’essai…, jure ainsi Pierre Cahuc, professeur à Polytechnique, dans le numéro de Challenges paru jeudi. Il ne reste quasiment rien de substantiel à négocier directement dans l’entreprise alors qu’Emmanuel Macron avait promis, pendant la campagne, d’affirmer la primauté des accords d’entreprise.» Un choix de l’exécutif qui revient donc, selon lui, à « verrouiller le dialogue social au niveau de la branche» alors qu’il aurait fallu au contraire l’ouvrir dans l’entreprise.

Les branches disposent désormais de douze, et non plus de six, domaines réservés

L’argumentaire, en première analyse, se tient. Le niveau de la branche a en effet été renforcé, pour satisfaire FO, au détriment de celui de l’entreprise. Le ministère du Travail reconnaît d’ailleurs que « la concertation a permis de faire évoluer la position de l’exécutif» sur ce sujet et que, pour parvenir à un consensus entre syndicats et patronat, « le point d’arrivée est différent du point de départ». Et pas qu’un peu : les branches disposent désormais de douze, et non plus de six, domaines réservés ; et les entreprises n’ont récupéré, de leur côté, qu’une compétence sur des sujets annexes – mais pas moins importants pour les salariés – comme les congés en sus, les primes diverses, le 13e mois…

Mais en matière de réforme sociale, le diable se cache toujours dans les détails. Et tant dans la loi d’habilitation adoptée début août que dans les ordonnances qui en découlent, ils font ici toute la différence. L’exécutif a ainsi prévu d’être beaucoup « plus sélectif», dixit un conseiller de la ministre du Travail, dans les extensions des accords de branche. « Notre grille d’analyse sera l’emploi et la concurrence», prévient-on Rue de Grenelle. En clair, le ministère du Travail sera plus regardant avant de transposer à l’ensemble des entreprises d’un secteur, y compris les plus petites et les plus fragiles, les dispositions sociales qui ont été actées par les partenaires sociaux de la branche et qui ne s’appliquent, avant extension, qu’aux entreprises adhérentes à la fédération patronale qui en a négocié les termes.

« Quand on arrête d’étendre les accords de branche, cela booste les créations d’emploi»

Un conseiller de Muriel Pénicaud
Il y a une raison à cela. « Quand on arrête d’étendre les accords de branche, cela booste les créations d’emploi», jure un conseiller de Muriel Pénicaud, obnubilé par l’effet sur l’emploi des ordonnances de sa ministre. Avec, à la clé, une étude de l’OCDE publiée le 20 juillet où l’on peut lire que l’extension d’un accord peut « avoir un impact néfaste sur la concurrence, l’emploi et la performance des entreprises non impliquées dans les négociations», qui se voient imposer des modalités ne correspondant pas à leurs besoins et à leur situation.

Une situation qui peut parfois s’apparenter à un « dumping social» organisé par des grandes entreprises de la branche pour « tuer les petites boîtes». Comme c’est arrivé, avec succès, dans l’optique où les grandes enseignes se sont entendues sur des minima sociaux élevés que les opticiens indépendants des centres-villes ont, avec le risque de mettre la clé sous la porte, beaucoup de mal à respecter…

Source : lefigaro .fr (11 septembre 2017)