Réversion, avantages familiaux : les retraites des femmes visées par la réforme?

Revue de Presse

Plus d’équité et quelques économies… c’est le but de la réforme des retraites. Oui, mais cela peut-il remettre en question la réversion et les avantages familiaux des futures générations retraité(e)s?

Il est clair que la réforme ne touchera pas aux pensions en cours. En revanche, pour défricher l’Amazonie de notre système de retraite où s’enchevêtrent des règles tenant aux carrières et aux situations familiales, le gouvernement pourrait-il remettre à plat les règles des futures pensions de réversion?  Les trimestres pour enfants et autres majorations de pension concernant les futures générations de retraité(e)s seront-ils pas élagués? 

Florence Legros, économiste, directrice générale de l’ICN Business School, auteure de ‘ Les retraites, libres opinions d’experts européens’ éditions Economica, répond aux questions de Notre Temps

Notre Temps : La pension de réversion peut-elle  être modifiée?

Florence Legros :  En matière de réforme des retraites il faut toujours se projeter sur plusieurs générations. Aujourd’hui, parmi les bénéficiaires d’une réversion, il y a beaucoup de femmes qui n’ont pas ou peu travaillé hors de leur foyer ou ont des carrières incomplètes. Pour ces veuves (89% des bénéficiaires de la réversion sont des femmes), la réversion est essentielle, c’est souvent leur unique ressource. Il n’est donc pas question de toucher aux pensions de réversion en cours.  D’ailleurs, la réforme s’appliquera à des personnes encore très éloignées de la retraite. Ceci dit, on voit bien qu’aujourd’hui le taux d’activité féminin des nouvelles générations est élevé. Il est certain qu’à l’avenir beaucoup moins de femmes dépendront de la réversion pour vivre.

 

Dans un régime où chaque euro cotisé donne les mêmes droits, la réversion a-t-elle sa place?

L’idée de la réforme c’est un régime unique par points. Que vous soyez dans le public ou dans le privé, tout euro cotisé donnerait droit au même nombre de points de retraite. Cela n’empêche pas de prévoir une réversion.  Par exemple, on pourrait imaginer qu’au décès de son conjoint une femme (ou un homme) recevra une quote-part des points acquis par le défunt, en plus des siens. Autre hypothèse, voir vos propres points de retraite augmentés d’un pourcentage en cas de veuvage.

 

Quid des personnes qui n’ont jamais cotisé? N’auraient-elles pas droit à une pension minimum?

Que ce soit pour la réversion ou pour la retraite de base, la  question  est très importante. Si l’on pousse à l’extrême la logique d’un régime contributif à points : c’est pas de cotisation, pas de pension!  Mais regardez le régime suédois, qui est un peu le modèle des retraites à points, on voit bien qu’il existe, en plus, un régime d’assistance pour ceux ou celles qui n’ont pas cotisé du tout. Une mère au foyer par exemple, bénéficierait d’une retraite minimum.

Faut-il s’attendre à un plafonnement des réversions, notamment celle des complémentaires du privé?

 Normalement, dans un régime par points pur, il n’y aurait pas de plafond. Ce n’est pas la logique, mais techniquement c’est possible.

 

Derrière la volonté d’harmoniser, le but de la réforme n’est-il pas de faire des économies?

Si l’on lance une réforme, c’est aussi pour réaliser des économies! Il y aurait plus de perdants que de gagnants, c’est le principe. Mais il y aussi une volonté de faire plus simple et surtout plus équitable.  Est-il normal qu’une infirmière qui commence à travailler en libéral et fini sa carrière dans le public obtienne une retraite beaucoup plus faible que si elle avait fait l’inverse ? C’est une histoire de fou ! De plus,  il y a aujourd’hui beaucoup de polypensionnés. Les Français  cotisent en moyenne à 2,6 régimes de retraites. La complexité va s’aggraver. Nous sommes loin de l’époque on faisait tout sa carrière dans la même entreprise. C’est clair, il faut adapter notre régime de retraite pour prendre acte des changements sur le marché du travail. 

Les avantages familiaux (majoration de pension, trimestres pour enfants)  pourraient-ils être remis en question?

Les avantages familiaux sont compliqués, opaques, inéquitables puisqu’ils différent selon les régimes. Par exemple, j’ai moi-même travaillé dans le public et le privé et je suis incapable de vous dire ce que j’aurai éventuellement comme majoration familiale.



Faut-il pour autant y renoncer?

Les avantages familiaux coûtent environ 13 milliards d’euros. Sans trancher, on peut décemment  poser la question :  vaut-il mieux accorder des avantages pour enfants aux femmes au moment de leur retraite ou leur permettre de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle à 30 ans ? Par exemple en finançant des crèches avec un budget équivalent à l’euro près. Ainsi, les jeunes femmes n’auraient plus à interrompre leur carrière. N’oublions pas qu’aujourd’hui ces arrêts réduisent leur retraite, y compris lors d’un congé parental.

Source :   notretemps.com (11  juillet 2018)