Taxe télécoms : les cris d’orfraie des opérateurs

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Source : latribune.fr (20 octobre 2016)

Alors que des amendements au projet de loi de finances 2017 (PLF) visant à taxer davantage les opérateurs télécoms pour augmenter les recettes de France Télévisions vont être discutés vendredi à l’Assemblée nationale, Orange, SFR, Free et Bouygues Telecom dézinguent une initiative qui, d’après eux, porte préjudice aux investissements.

Dans le panier de crabes des télécoms françaises, il est si rare que les grands opérateurs soient sur la même longueur d’onde ! Et pourtant depuis quelques jours, les Orange, SFR, Free et Bouygues Telecom font front commun contre une initiative qu’ils n’apprécient guère : une possible augmentation de la taxe télécoms. En début de semaine, Valérie Rabault, la rapporteuse générale du budget, a mis le feu aux poudres.

Ce lundi, elle a déposé deux amendements au projet de loi de finances 2017. Le premier vise « à supprimer l’augmentation exceptionnelle de un euro » de la redevance de l’audiovisuel public prévue l’année prochaine. En parallèle de cette baisse d’environ 33 millions d’euros par rapport à l’enveloppe qui doit être allouée aux chaînes et radios du service public, Valérie Rabault a dégainé un second amendement. Celui-ci vise à augmenter la taxe télécoms – portant son taux de 1,3% à 1,4% du chiffre d’affaires du secteur -, ainsi que de porter le produit destiné à France Télévisions à 178,5 millions d’euros, soit une hausse de 38 millions d’euros.

La colère des opérateurs

Il n’en fallait pas plus pour que la planète télécoms pousse des cris d’orfraie. Très en colère, la Fédération française des télécoms (FFT), leur lobby, s’est fendue d’un communiqué dézinguant cette mesure jugée « nuisible » pour les investissements :

« Alors que cette taxe avait déjà été augmentée de 44% il y a moins d’un an, les opérateurs seraient à nouveau mis à contribution pour financer France Télévisions au détriment des priorités fixées par le gouvernement en matière d’aménagement numérique des territoires. […] Cet effort supplémentaire de plusieurs dizaines de millions d’euros se rajoute aux 1,8 milliard d’euros qui auront été acquittés par les opérateurs depuis la création de cette taxe en 2009 jusqu’à cette année, montant cumulé qui représente l’équivalent de 3,8 millions de prises en fibre optique ou d’environ 18.000 installations d’antennes 4G. »

A La Tribune, Michel Combot, le chef de file du lobby des opérateurs, estime que cette nouvelle taxe va à l’encontre d’un « deal » passé avec François Hollande :

« En échange d’une accélération des investissements dans les réseaux fixes et mobiles – notamment pour déployer la fibre et couvrir les zones blanches -, le chef de l’Etat nous a promis une stabilité fiscale. Et donc de ne pas relever la taxe sur les opérateurs. »

Concrètement, Michel Combot fait référence aux propos tenus par le chef de l’Etat en juin dernier. Lors de la visite d’un nouveau centre d’Orange dédié à l’innovation, François Hollande a « bien relevé » qu’il y avait « une contrepartie » à la promesse de l’opérateur historique d’accélérer ses déploiements, notamment dans les campagnes et les zones peu peuplées. Avant de préciser, comme l’a relevé Rue89 : « C’est vrai qu’il faut une stabilité juridique et fiscale pour vous qui investissez à moyen terme. Il y a une sorte de contrat entre nous. »

Un secteur « vache à lait » ?

D’après Michel Combot, le gouvernement a affirmé à la FFT qu’il n’était pas favorable à une nouvelle taxe. A Bercy, d’après une source proche du dossier, on se retranche pour l’heure derrière « la position principielle » du chef de l’Etat.

Sur le fond, les Orange, SFR, Free et Bouygues Telecom accusent l’Etat et les élus de trop souvent percevoir leur secteur comme une rustine financière de choix lorsque les comptes dérapent. Dans le cas présent, ils jugent que ce n’est pas à eux de renflouer France Télévisions, qui est confronté à des coûts supplémentaires avoisinant les 20 millions d’euros par an, après le lancement de la nouvelle chaîne Franceinfo. En septembre 2015, lors d’une précédente augmentation de la taxe télécoms, Stéphane Richard, le PDG d’Orange, ne décolérait pas contre les « prélèvements » de l’Etat :

« C’est une forme de mépris par rapport à notre secteur, à notre industrie. On considère qu’on peut bien payer ça en plus. Une fois de plus le secteur est pris pour une vache à lait », avait critiqué le grand patron, selon l’AFP.

Quoi qu’il en soit, les opérateurs sauront très bientôt s’ils seront davantage taxés. Les deux amendements de Valérie Rabault seront discutés ce vendredi, en plénière, à l’Assemblée nationale.