Télécoms : contre les restrictions, l’Arcep s’attaque aux fabricants de smartphones

Revue de Presse

Le président de l’Arcep remet ce jeudi un rapport au secrétaire d’Etat au Numérique. Son souhait  : que l’utilisateur ne soit plus captif des applications et des appareils des grandes marques.

C’est un nouveau combat que le régulateur des télécoms veut porter au niveau national et européen : rendre sa liberté à l’internaute. « Depuis l’avènement des smartphones il y a dix ans, nous acceptons qu’en contrepartie de chaque évolution, on restreigne notre liberté, explique Sébastien Soriano, président de l’Arcep, l’autorité de régulation des télécoms. Nous nous sommes habitués à nos chaînes mais il est devenu urgent de reprendre le contrôle des smartphones et autres assistants vocaux qui arrivent sur le marché. »

Ce jeudi matin, il remettra au secrétaire d’Etat chargé du Numérique, Mounir Mahjoubi, un rapport de 73 pages intitulé « Les terminaux, maillons faibles de l’ouverture d’Internet », qui sera également adressé à la Commission européenne. Ce document dresse un état des pratiques qui rendent les utilisateurs de terminaux captifs, soit à travers l’appareil lui-même, soit par le biais du système d’exploitation ou encore des applications, et dessine des solutions pour rééquilibrer les forces face aux géants Apple, Samsung, Google et Amazon.

En exclusivité, le président de l’Arcep nous a dévoilé ces pistes. De quels problèmes parle-t-on ? « Ça commence par des petits trucs énervants comme l’impossibilité de faire disparaître de son smartphone certaines applications d’origine, raconte Sébastien Soriano. Ou la petite enceinte que vous aviez achetée qui n’est pas compatible avec votre nouveau mobile ! »

Seul un Iphone peut être connecté avec certains ordinateurs de bord…

Durant un an, ses services ont scruté les restrictions : les applications ne sont pas toutes disponibles dans tous les magasins de téléchargement (dont App Store et Google Play ont le quasi-monopole). « Qui décide quelle application sera disponible ? Pourquoi les applications sont-elles suggérées dans un certain ordre ?, interroge Sébastien Soriano. Ça n’est pas innocent, car 84 % du trafic sur Internet se fait à partir des applications. » L’Arcep en a elle-même fait les frais, Apple refusant de diffuser son application dédiée à la neutralité du Net.

D’autres pratiques pénalisent l’usager captif : c’est Amazon qui lance son service de VoD (vidéo à la demande) et supprime de son catalogue le concurrent Chrome-Cast de Google (qui permet de connecter sa télévision à Internet). Et Google qui réplique en empêchant les produits d’Amazon (tablette Fire, assistant vocal Echo) de diffuser YouTube. C’est encore l’ordinateur de votre voiture qui ne se connecte à un mobile que par CarPlay, donc il faut utiliser un iPhone… Face à ce constat accablant, l’Arcep veut « mettre la pression sur les fabricants », dit Sébastien Soriano, qui plaide pour un « droit à supprimer toutes les applications », comme cela existe en Corée, et pour un droit à utiliser un moteur indépendant de recherche d’applications.

Aider le consommateur à choisir

Il suggère aussi de favoriser l’émergence de magasins concurrents indépendants et de créer un « dispositif d’arbitrage rapide » pour les créateurs d’applications n’arrivant pas à les faire référencer. Enfin, ce document propose de mettre à la disposition de sites comparateurs toutes les données dont dispose l’Arcep sur les mobiles et de créer un système d’étiquettes, de couleur par exemple.Il éclairerait le consommateur dans ses choix vers les mobiles et les systèmes d’exploitation les plus vertueux. En clair, il s’agit de redonner du pouvoir à l’utilisateur.

Source : leparisien.fr (15 février 2018)