Au colloque de l’Arcep, Bouygues Telecom et Free à couteaux tirés

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« Si la France est en avance sur la convergence, c’est que les trois opérateurs historiques du mobile et un en particulier, a tenté d’utiliser le quadruple-play pour exclure celui qui était uniquement un acteur du fixe. En 2009, un acteur a lancé le 4play en se disant que le meilleur moyen de garder les prix du mobile élevés était de faire une remise sur l’ensemble fixe + mobile. Après, c’est le jeu concurrentiel, les autres opérateurs ont fait la même chose. C’était une de nos motivations dans l’obtention de la 4e licence : l’acteur « fixe-only » avait une marge de manœuvre commerciale limitée. »
Plusieurs acteurs ont souligné en coulisse que la fusion SFR-Numericable risque de poser la question de façon plus aigue, le câblo-opérateur pouvant pratiquer des offres couplées très haut débit/mobile aux tarifs difficiles à répliquer.

« Free ne se couche pas devant Netflix et ne donne pas sa box à Google »
Autre passe d’armes à distance entre Free et Bouygues Telecom sur les relations entre les opérateurs et les géants du Net, souvent appelés dans le jargon télécom les « over-the-top » ou « OTT » parce que leurs services sont proposés « au-dessus » du réseau, par contournement du fournisseur d’accès Internet. Et en particulier avec le groupe américain de vidéo à la demande par abonnement Netflix.
Bouygues Telecom qui a été le premier opérateur à annoncer l’arrivée de Netflix sur ses boxes, a justifié son choix, tout en indiquant qu’il n’allait « pas se limiter à Netflix » mais avait d’autres partenariats du même genre en réserve.
« Essaie-t-on d’essuyer la marée avec une serpillière, de lutter contre la mer ou bien de nouer des partenariats intelligents avec ces « over-the-top », qui sont nativement convergents ? » a lancé Didier Casas, ajoutant « notre rôle d’opérateur est de donner l’accès à nos clients à ces nouveaux contenus et usages » délinéarisés (VOD, YouTube, TV de rattrapage etc).
Interrogé sur les raisons du refus de Free d’intégrer Netflix, Maxime Lombardini s’est défendu en fustigeant l’attitude de ses concurrents.
« Free a juste décidé de ne pas se coucher tout de suite devant Netflix, le grand Américain qui arrivait avec un épouvantail. Reprendre Netflix aux conditions de Netflix, cela ne nous paraît pas une bonne idée. C’est dommage de donner accès sans réserve, sans négociation à une plateforme américaine juste parce qu’il y a eu beaucoup de presse alors que le contenu n’est pas très fort objectivement. »
Vincent Maulay, analyste financier chez Oddo Securities, a souligné qu’il peut être « pertinent pour un opérateur de prendre 30% d’un abonnement musical à 10 euros comme Spotify soit 3 euros par mois versus Netflix où d’aucuns parlent d’à peu près 10% d’un ARPU à 8 euros et qui vient en plus cannibaliser l’ARPU de la VOD : la logique n’est plus la même » en termes de captation de valeur et de modèle économique.
Mais le dirigeant de Free a poussé la démonstration un cran plus loin, en faisant un parallèle entre « ce qui se passe aujourd’hui avec Netflix, et dans un autre domaine avec les boxes Android », ces décodeurs TV tournant sous le système d’exploitation de Google, que viennent de lancer, de façon encore assez confidentielle, SFR et Bouygues Telecom, les premiers opérateurs à le faire dans le monde.
« Jusque là, les opérateurs contrôlaient leur box, décidaient ce qu’ils mettaient en tête de la page d’accueil, demain lorsque l’on aura un parc Android sur la France entière ce sera Google qui pourra décider, depuis Mountain View, de la VOD qui peut être distribuée et des programmes qu’il souhaite mettre en avant » a mis en garde Maxime Lombardini, invitant le secteur à ne pas minimiser la menace potentielle. « Nous avons un vrai savoir-faire logiciel en France. Il serait dommage d’ouvrir l’accès à la Box comme cela ; parce qu’Android cela veut dire que, quand vous allumerez votre box, vous commencerez par remplir un formulaire Google dans lequel vous donnez vos coordonnées, cela veut dire que votre abonné disparaît un peu » a-t-il fait valoir.