Ces souffrances invisibles des femmes au travail

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Source : bfmtv.com (08 mars 2017)

Alors que les salariées sont davantage victimes de pathologies professionnelles, elles peinent à les faire constater. La faute aux critères qui ne prennent pas en compte leurs tâches et aux préjugés.

Les hôtesses de caisse font défiler les packs d’eau de 9 kg. Or, même si elles en déplacent toutes les minutes pendant leur sept heures de travail, elles n’entrent pas dans les critères du compte pénibilité. Ce dernier permet de cumuler des points pour se former à des tâches moins physiques, bénéficier d’un temps partiel sans perte de salaire ou partir plus tôt à la retraite.

« Il faudrait davantage prendre en compte le caractère répétitif, le nombre de gestes réalisés à la minute », revendique Florence Chappert, responsable du projet « genre, santé et conditions de travail » à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact). Car les critères de reconnaissance des maladies professionnelles sont basés sur le travail masculin, essentiellement.

La faute aux hormones

Par ailleurs, pendant longtemps, par manque de connaissances scientifiques, on a attribué les causes des pathologies aux caractéristiques propres aux femmes comme les hormones ou la grossesse. S’il est vrai que la ménopause entraîne une perte de fonctionnalités des doigts, les femmes plus jeunes souffrent aussi davantage que les hommes du syndrome du canal carpien, car leurs tâches sollicitent beaucoup leurs mains.

Cet angle mort de la recherche empêche aussi les progrès pour protéger les femmes au travail. Les carences en fer fréquentes à l’âge de la fécondité du fait des menstruations, par exemple, ne sont pas plus étudiées que cela. Or cela favorise l’absorption de minéraux toxiques comme le plomb, de mercure, d’insecticides ou de solvants volatiles présents dans certains milieux professionnels.

Manque de suivi médical

Contrats courts, secteurs précaires… Etre une femme multiplie par deux la probabilité d’être « oubliée » par la médecine du travail. 16% n’ont jamais bénéficié d’une visite médicale ou indiquent que la dernière visite remonte à plus de cinq ans, selon le ministère du Travail.

Dans les secteurs où il existe un fort turnover comme dans le nettoyage ou la grande distribution, elles ne se précipitent pas au cabinet du médecin du travail… Encore moins pour constituer un dossier de reconnaissance de maladie professionnelle.

Double journée, double peine

Et quand elles se lancent dans ce parcours de combattantes, elles ont du mal à prouver que la cause est bien liée aux tâches accomplies au travail et non en famille. Il est vrai que « les ouvrières subissent une double peine car elles ont un travail davantage physique que les cadres et n’ont pas les moyens de se payer une femme de ménage pour reposer leurs membres à la maison », dénonce Natacha Fouquet, épidémiologiste spécialisée en troubles musculo-squelettiques (TMS) à l’université d’Angers, lors du colloque consacré au sujet organisé par l’European trade union institute.

Pour autant, la cause principale, professionnelle, est bien souvent éclipsée. Outre les différences physiologiques, la répartition des tâches et la fameuse double journée sont souvent mises en avant par les employeurs pour se défausser : des excuses jamais dégainées s’agissant des salariés hommes.