Code du travail : les 10 bouleversements majeurs votés par les députés

Revue de Presse

Licenciement simplifié, CDI à durée limitée, négociation sans syndicats… Ce que contient le texte adopté le 13 juillet par l’Assemblée nationale.

Trois jours de débat et puis s’en va. Le projet de loi d’habilitation visant à réformer le code du travail, défendu par la ministre du Travail Muriel Pénicaud, n’aura été discuté que brièvement avant d’être adopté. L’ultime séance de débats organisée jeudi 13 juillet dans la soirée a abouti au vote du texte par les députés.

Alors que les négociations se poursuivent sur le plan syndical notamment, ce texte a pour objectif de définir les contours des futures ordonnances.

L’opposition, par la voix du groupe de la France Insoumise, des Communistes ou encore de la Nouvelle Gauche a tenté de contrer des mesures qu’ils jugent synonymes de « casse du code du travail », mais ses amendements ont été rejetés. Le texte ressort donc de l’hémicycle avec de très rares modifications. Comme tout projet de loi « classique », il va désormais partir devant le Sénat. Tour d’horizon de ce qui a été voté.

1. Plafonnement des indemnités aux prud’hommes

L’article 3 du projet de loi veut « modifier les dispositions relatives à la réparation financière des irrégularités de licenciement ». En clair, le gouvernement souhaite fixer un « référentiel obligatoire » pour les dommages et intérêts alloués par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Une tentative de plafonnement avait déjà été avancée lors du quinquennat précédent – par Emmanuel Macron lui-même. Mais le Conseil constitutionnel l’avait retoquée.

Un référentiel obligatoire serait donc établi en fonction de l’ancienneté du salarié. Le texte prévoit cependant que « les licenciements entachés par des actes de harcèlement ou de discrimination » seront exclus de cette obligation.

En contrepartie, le gouvernement s’est engagé à augmenter les indemnités légales de licenciement. « Je propose (…) à l’ensemble des députés de soutenir la proposition du gouvernement d’augmenter les indemnités légales pour la totalité des salariés qui perdent leur emploi et qui serait faite en septembre par mesure réglementaire », a déclaré Muriel Pénicaud, mercredi 12 juillet.

En matière de prud’hommes, le texte de loi prévoit également « d’encourager le recours à la conciliation ». Le régime fiscal et social des sommes payées par l’employeur et versées au salarié à l’occasion de la rupture de contrat de travail sera également revu pour pousser à la résolution des litiges en amont (par transaction notamment), au lieu d’aller jusqu’au procès.

2. Simplification du licenciement pour l’employeur

Le gouvernement veut faire la chasse au formalisme en « adaptant les règles de procédure et de motivation applicables aux décisions de licenciement ». Même s’il assume le fait que cette problématique ne concerne « que très peu d’entreprises » et n’a qu’une portée « symbolique et psychologique » pour les employeurs… Il envisage aussi de créer un formulaire Cerfa de licenciement.

Le projet de loi adopté par les députés prévoit également de « réduire les délais de recours en cas de rupture du contrat de travail », qui sont actuellement de deux ans pour un licenciement lambda (le délai de six mois est sur la table).

3. Le périmètre du licenciement économique revu

Lorsqu’un groupe international instaure un plan de licenciement en France, le tribunal apprécie les difficultés économiques de tous les sites du groupe, partout dans le monde. Les ordonnances pourront prévoir que ce périmètre devienne national. Et que l’appréciation se limite au secteur d’activité commun aux entreprises du groupé situés sur le territoire hexagonal.

La mesure figurait dans la loi El Khomri, mais avait été abandonnée face à la fronde des députés de gauche.

Le projet de loi d’habilitation prévoit tout de même que des « garde-fous » soient fixés dans les ordonnances pour éviter que des groupes organisent artificiellement des difficultés économiques dans leur (s) établissement (s) français dans le but de supprimer des emplois.

L’exécutif va pouvoir par ailleurs adapter « les modalités de licenciements collectifs à la taille de l’entreprise et au nombre de ces licenciements ». Le seuil de déclenchement du plan sauvegarde de l’emploi (PSE) pourrait notamment être revu à la hausse. Le seuil de 30 salariés, contre 10 actuellement, est souvent évoqué.

4. Un « CDI à durée limitée »

Le texte voté jeudi 13 juillet souhaite élargir le contrat de chantier (ou CDI de projet) à d’autres secteurs que celui du BTP. Mais seules les branches en décideront.

Le contrat de chantier est un CDI qui s’achève une fois le projet pour lequel la personne a été recrutée se termine, mais sans qu’elle bénéficie de prime de précarité.

Lors des débats à l’Assemblée, plusieurs députés de l’opposition à gauche ont fait part de leur opposition à cette mesure, craignant une menace contre le CDI. « Je n’arrive pas à comprendre en quoi ce type de contrat serait indéterminé, dès lors qu’il est limité dans le temps (…) vous prétendez conserver le CDI et, en fait, vous le dynamitez de tous côtés », a ainsi déclaré le député de la France Insoumise, Éric Coquerel.

5. Le référendum pour négocier dans l’entreprise

Le projet de loi d’habilitation autorise le gouvernement à faciliter le recours à la consultation des salariés pour valider un accord. Dans l’entourage du ministre, on n’exclut pas de laisser l’initiative d’un tel référendum à l’employeur, en l’absence de délégué syndical dans l’entreprise.

D’autres pistes sont également sur la table, comme la négociation d’accords directement avec des délégués du personnel, sans qu’il y ait besoin que ceux-ci soient mandatés par un syndicat.

6. Les instances représentatives du personnel fusionnées

Le texte voté en séance prévoit de fusionner les instances représentatives du personnel. Jusqu’à présent, le comité d’entreprise (CE) le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et les délégués du personnel, chargés de représenter les salariés, sont indépendants.

Le gouvernement veut donc regrouper ces trois instances en une seule, baptisée le comité social et économique (CSE). Ce comité conserverait l’intégralité des compétences des trois instances et pourrait intenter des actions en justice.

Il serait possible, pour les entreprises qui signent un accord, de conserver, en parallèle de l’instance fusionnée, des DP ou un CHSCT indépendant.

Le CSE pourrait par accord intégrer des compétences de négociation aujourd’hui dévolues aux délégués syndicaux. Il serait alors appelé « conseil d’entreprise ».

7. Plus de place à l’accord d’entreprise

Le gouvernement souhaite modifier la place de la négociation collective dans le droit du travail afin de coller « au plus près du terrain ».

Pour le moment, l’accord de branche prime sur l’accord d’entreprise, à l’exception de 37 domaines liées à la durée du travail, pour lesquels il est possible de s’organiser à l’échelle de l’entreprise.

Le projet de loi entend construire une architecture des normes en trois blocs. Le premier rassemblerait les thèmes pour lesquels l’accord de branche primerait de façon « impérative ». Six thèmes seraient concernés : les minimas conventionnels, les classifications des métiers, la mutualisation des fonds de la formation professionnelle, celle des fonds de prévoyance, et l’égalité femmes-hommes. Le financement du paritarisme et les conditions de recours aux contrats courts ou aux CDI de chantier (lire plus bas) feraient leur entrée dans cette liste et seraient donc, eux aussi, du domaine exclusif de la branche. La pénibilité en sortirait.

Le deuxième bloc comprendrait les thèmes où les branches seraient maîtres à bord pour décider de mettre un verrou, c’est-à-dire de faire primer l’accord de branche sur l’accord d’entreprise. La pénibilité, le handicap et les conditions et moyens d’exercice d’un mandat syndical feraient partie de ce bloc.

Pour tous les autres sujets (troisième bloc), l’accord d’entreprise serait prioritaire.

8. L’accord collectif s’imposera

Le projet de loi d’habilitation entend également revoir et « harmoniser et simplifier » l’articulation entre accords collectifs et contrat de travail. La future ordonnance veut revoir « le régime juridique de la rupture du contrat de travail en cas de refus par le salarié des modifications de son contrat issues d’un accord collectif ».

Pour le moment, le licenciement (et donc l’indemnisation et les mesures d’accompagnement) ne sont pas les mêmes selon qu’un salarié refuse de se voir appliquer un accord dit « loi Aubry », un accord de mobilité, un accord de maintien dans l’emploi (AME), ou un accord de préservation et de développement de l’emploi (ADPE).

On se dirigerait a priori vers un « licenciement sui generis » (autrement dit ni pour motif personnel, ni économique), avec un « renforcement des droits à la formation ».

9. Un compte pénibilité renommé et modifié

Le gouvernement va également rédiger une ordonnance sur la question du compte de prévention de la pénibilité. Le Premier ministre a d’ailleurs annoncé dès le 8 juillet les changements apportés. Exit le nom de pénibilité, il faudra désormais parler de compte de prévention.

Mais les modifications ne se limitent pas à la forme. Ainsi quatre des dix critères (manutention manuelle de charge, postures pénibles, vibrations mécaniques et exposition aux produits chimiques) sont exclus du système de mesure prévu dans la réforme. Ils feront désormais l’objet d’une visite médicale de fin de carrière ouvrant le droit à un départ en retraite anticipé si le salarié présente une maladie professionnelle avec un taux d’incapacité de 10%.

Enfin, les cotisations payées par les employeurs devraient être supprimées.

10. Report d’un an du prélèvement à la source

L’ultime point du texte porte sur le report d’un an de l’entrée en vigueur du prélèvement à la source. Le dispositif est donc repoussé au 1er janvier 2019.

Source : lexpress.fr (14 juillet 2017)