Le plan fibre à l’épreuve du mariage d’Orange et Bouygues

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Source : lesechos.fr (8 février 2016)

Les industriels qui exploitent les réseaux de fibre dans les zones peu denses rappellent les opérateurs à leurs engagements.Ils demandent à l’Etat de profiter de la consolidation en vue pour faire pression.

Alors que les discussions s’intensifient entre Orange et Bouygues Telecom en vue d’un potentiel mariage, certains s’inquiètent des conséquences que cela pourrait avoir sur le déploiement des réseaux très haut débit en France. Un plan à 20 milliards d’euros, financé en partie par les opérateurs télécoms et par l’Etat, qui prévoit que l’Hexagone soit couvert en fibre optique à horizon 2022.

Sur certaines zones, les opérateurs co-investissent ensemble, mais ils ont déjà pris du retard notamment du fait de la fusion entre Numericable et SFR l’an dernier. Un rapport d’information du sénateur et président du Conseil général de l’Eure Hervé Maurey estimait déjà en fin d’année dernière «  peu probable le respect des objectifs du Gouvernement » en 2022, et regrettait que la couverture fibre «  se concentre aujourd’hui dans les zones denses ».

Aujourd’hui, ce sont les petits opérateurs d’infrastructures qui tirent la sonnette d’alarme. «  On voit bien qu’on est très loin des promesses en matière de déploiement de la fibre, estime ainsi Jean-Michel Soulier, PDG de Covage. L’Etat doit prendre des mesures pour que les engagements soient tenus ». Le ministre de l’Economie Emmanuel Macron a récemment rappelé à l’ordre les opérateurs télécoms.

«  Les grands opérateurs ne jouent pas assez le jeu »

Le principal souci de ces opérateurs qui déploient des réseaux fibre cofinancés par l’Etat (Réseaux d’Initiative Publique, RIP) dans les zones les moins rentables, c’est de faire en sorte que ceux-ci soient ensuite exploités et commercialisés par Orange et SFR. Or, ils estiment qu’au stade actuel, le compte n’y est pas. «  Les grands opérateurs ne jouent pas assez le jeu. Il faut qu’ils s’impliquent davantage », estime Etienne Dugas, le président de la FiRIP, qui fédère les industriels des réseaux d’initiative publique (160 entreprises pour des revenus de 1,5 milliard d’euros).

Le secteur veut profiter de la consolidation en cours pour faire pression sur les acteurs. «  En tant qu’actionnaire d’Orange, l’Etat pourrait l’inciter à être davantage client des RIP », propose Etienne Dugas, qui rappelle que ces réseaux concernent 43 % de la population. Il a écrit un courrier en ce sens au Premier Ministre, Manuel Valls, tout en rappelant la fragilité du modèle économique des RIP.

Les industriels du secteur s’agacent notamment de voir les grands opérateurs vanter à grand renfort de publicité les avantages de la fibre optique sans pour autant faire les efforts suffisants, selon eux, pour accélérer le déploiement et la commercialisation dans les zones peu denses du territoire.

Demande forte pour une bonne connectivité

Orange vient pourtant de s’engager avec la Bretagne pour exploiter et commercialiser 1,2 million de prises très haut débit construites par un syndicat mixte. D’autres projets avec des RIP sont en cours, comme en Auvergne ou en Gironde. «  L’opérateur historique n’a pas forcément intérêt à abandonner la rente dans le cuivre (ADSL), surtout dans des zones où il n’y a pas beaucoup de concurrence », critique cependant Jean-Michel Soulier. Même si l’Arcep a décidé d’augmenter la tarification des réseaux cuivre pour inciter à migrer vers la fibre.

«  Alors que la concentration se profile, il faut rester vigilant et profiter de l’occasion pour rappeler les engagements des uns et des autres », dit Etienne Dugas. Dans les grandes agglomérations comme en zones rurales, la demande pour une bonne connectivité reste très forte. «  Mariage ou pas, il faut continuer à pousser la fibre partout en France. C’est le seul impératif », conclut David El Fassy, président de Altitude Infrastructure.