Le travail, premier lieu de discrimination

Revue de Presse

Source : lefigaro.fr (23 mars 2017)

Selon le dernier baromètre du Défenseur des droits, 34% de la population active soutient avoir été victime de discrimination. L’âge et le sexe apparaissent comme les deux premiers critères discriminants.

« #LesCompetencesDabord». Le slogan de la campagne de sensibilisation aux discriminations à l’embauche, porté par le gouvernement en avril 2016, semble trouver peu d’écho, à en juger par la 10e édition du Baromètre du Défenseur des droits et de l’OIT (organisation internationale du travail), publiée ce jeudi. Pour rappel, cette enquête annuelle, réalisée par Jacques Toubon, et le directeur du bureau de l’OIT, Cyril Cosme, porte sur la perception des discriminations dans l’emploi. Ce dernier constitue le premier vecteur de discrimination dans la société loin devant les relations de voisinage (8%), l’école ou l’université (8%), les relations avec l’administration (7%), les lieux de loisirs (6%), lors des contrôles de police (6%) ou de la recherche d’un logement (5%) (*).

Sur les 3556 actifs interrogés, 34% déclarent avoir été victimes de discrimination, au cours de ces cinq dernières années. Dénoncées par 29% des sondés, les discriminations au cours de la carrière professionnelle demeurent les plus importantes. 18,5% des personnes interrogées disent avoir été discriminées dans leur recherche d’emploi. « Cet écart s’explique notamment par les différences de proportion entre les effectifs en emploi et ceux en recherche d’emploi», expliquent les auteurs. « Surtout, le fait d’être en emploi facilite l’obtention d’informations, via la hiérarchie, les collègues, les responsables des ressources humaines, les représentant.e.s du personnel, permettant de se comparer à ses collègues et d’identifier une inégalité de traitement».

Les femmes discriminées « en tant que potentielle future mère»

Dans le strict cadre du travail, l’âge et le sexe apparaissent comme les deux premiers « motifs des expériences de discrimination» (15%), selon cette étude. Ils sont suivis de l’origine ou de la couleur de peau (8%), du handicap ou de l’état de santé (6%) et des convictions religieuses (2%). Il reste néanmoins difficile d’établir avec certitude le motif principal de discrimination dans l’emploi. Le baromètre du Défenseur des droits fonde également son analyse sur les requêtes pour discrimination adressées à l’institution. Sur les quelque 5200 réclamations collectées en 2016, plus de la moitié concerne l’emploi. Mais si l’on s’intéresse de plus près aux motifs, l’origine et l’état de santé comptent « parmi les trois premiers motifs de saisines». L’âge n’arrive qu’en cinquième position.

Difficile aussi d’établir un profil, tant les caractéristiques sociales à prendre en compte sont nombreuses. Ce baromètre relève néanmoins que les femmes restent davantage discriminées que les hommes, à 24% contre 5% pour les discriminations liées au sexe. La grossesse et la maternité apparaissent comme le troisième motif de discrimination cité par les femmes (7%). « Les stéréotypes et préjugés qui freinent l’accès des femmes à l’emploi et leur déroulement de carrière sont encore aujourd’hui fortement marqués par le “risque” que constitue la maternité pour l’exercice d’une activité professionnelle», détaille cette étude. « Au cours des 5 dernières années, les femmes actives de 18 à 44 ans [NDLR : dans le cadre exclusif de l’échantillon du baromètre] qui ont été enceintes ou mères d’un enfant en bas âge ont été deux fois plus la cible de discriminations que les autres [femmes]». Le Défenseur des droits évoque ainsi une forme de « sanction sociale». « Au-delà de la composition de leur famille et de leur âge, les situations de discriminations vécues par les femmes sont différentes aussi selon leur origine réelle ou supposée», renchérit-il dans ce rapport. « Ainsi, les femmes de 18 à 44 ans vues comme noires, arabes ou asiatiques apparaissent comme un groupe social particulièrement exposé aux discriminations dans le monde professionnel».

« Une perception de sur-stigmatisation chez les chômeurs»

Sur l’ensemble de la population active, les personnes au chômage sont plus nombreuses à avoir été discriminées, à 53%, devant les salariés et public et du privé. « Ce constat s’explique par le profil spécifique de la population des chômeurs, où l’on observe au sein de notre enquête que sont surreprésentées les personnes dont les caractéristiques les exposent plus particulièrement à des discriminations : jeunes, personnes en situation de handicap ou d’origine extra-européenne», affirment les auteurs. « D’autre part, ces écarts peuvent aussi traduire une perception de sur-stigmatisation chez les chômeurs et une propension à qualifier de discrimination ce qui pourrait relever peut-être plus largement d’un sentiment d’injustice -le fait d’être au chômage (…) rendant plus difficile le recrutement et les difficultés d’accès à l’emploi».

Pour rappel, une discrimination est définie juridiquement par l’article 225-1 du Code pénal : « La discrimination définie aux articles 225-1 à 225-1-2, commise à l’égard d’une personne physique ou morale, est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’elle consiste : à refuser la fourniture d’un bien ou d’un service ; à entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque ; à refuser d’embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne (…)».

(*)Les résultats du baromètre portent sur un échantillon de 5117 personnes représentatif de la population de France métropolitaine. Ceux portant sur les expériences de discrimination en milieu professionnel sont analysés pour la seule population active (3556 personnes).