« Si on est mieux au travail, on est meilleur »

Revue de Presse

Source : lalsace.fr (16 mars 2017)

À l’occasion de la semaine de la santé mentale, un colloque s’est tenu hier et se poursuit aujourd’hui à Mulhouse. Au programme, l’insertion professionnelle des personnes souffrant de handicap psychique, mais aussi la lutte contre des formes de travail qui menacent la santé mentale des salariés, comme le souligne Didier Raffin, intervenant au colloque.

Didier Raffin a une double casquette : enseignant en psychologie du travail à l’université de Strasbourg, il intervient également dans les entreprises, moyennes et grandes, depuis près de trente ans, où il mène notamment des actions de prévention du stress et travaille sur la qualité de vie en milieu professionnel. « Quand j’ai commencé, on m’a demandé de mesurer le stress, mais il n’entrait pas dans une politique spécialisée , explique-t-il. C’est seulement en 2008 qu’il y a eu une définition commune du stress en Europe, similaire à celle de l’Organisation mondiale de la santé. Le stress est l’écart perçu par chacun entre ce qu’il a à faire et ce qu’il se sent capable de faire. »

Un décalage entre objectif et moyens

« C’est une notion assez subjective et c’est assez rébarbatif pour un chef d’entreprise » , reconnaît-il. Didier Raffin veut aussi torpiller une idée reçue : « Il n’y a pas de bon ou de mauvais stress. Personne n’a besoin de stress. Travailler 70 heures par semaine ne génère pas forcément du stress si on en a les moyens. À l’inverse, des personnes peuvent avoir un emploi apparemment confortable et qui les stresse pourtant. » Le spécialiste cite le cas d’une secrétaire dans une université, chargée d’accueillir chaque jour 15 visiteurs étrangers en moyenne. « C’est parce qu’elle ne parlait pas anglais qu’elle était dans un stress quasi permanent. »

Pour poser un diagnostic de stress, il faut savoir si la personne se sent débordée et incapable d’atteindre les objectifs soit parce qu’ils ne sont pas clairs ou inaccessibles, soit parce qu’elle ne dispose pas d’outils adéquats et suffisants, soit par manque de formation. « Le problème vient du fait que l’organisation du travail ne se fonde pas sur la réalité, mais sur de la théorie. Dans un service de quatre personnes, si deux sont absentes pour maladie, les deux autres vont être stressées si on ne leur a pas dit quoi faire. »

Didier Raffin note aussi que cette organisation, qui relève de la prévention primaire, n’est pas suffisamment prise en compte. « Beaucoup d’entreprises agissent sur les conséquences du stress, mais pas sur les causes. Or agir sur les causes, c’est aussi modifier le comportement des chefs d’entreprise, questionner l’organisation du travail, les outils, la formation… »

Il est persuadé que « quand on est mieux au travail, on est meilleur ». « Mais pour être mieux , insiste-t-il, il faut ajuster les compétences aux besoins et adapter les outils. Le but, c’est d’agir sur le travail et pas sur les gens, de ne pas durcir le cuir du salarié, mais d’adapter son environnement de travail. »

Retour au taylorisme

Didier Raffin se désole d’un retour du taylorisme, « une organisation du travail archaïque où des gens décident comment on doit travailler et d’autres exécutent, sur le principe qu’il n’y a qu’une seule bonne manière de faire ». Et du « lean » , principe enseigné dans les écoles d’ingénieurs ou les IUT, mais aussi donné aux chefs d’établissement scolaires et qui arrive dans les hôpitaux. « Cela consiste à réduire de 10 % les emplois et à économiser partout. J’ai vu dans une entreprise un panneau : “Pause = gaspillage”. Le prix à payer est très cher, c’est la santé au travail, mais il est mutualisé dans l’ensemble de la société. »