Stéphane Richard : « Orange est prêt à relever les défis qui l’attendent

Revue de Presse

Entré chez France Telecom en septembre 2009, Stéphane Richard en est devenu le directeur général quelques mois plus tard, puis le P-DG en 2011. Il fait le point en exclusivité pour Paris Match.

Paris Match. L’entreprise que vous avez connue à vos débuts n’est plus la même. En quoi a-t-elle changé ?

Stéphane Richard. Mon plus grand motif de satisfaction concerne l’amélioration du climat social. Il me semble que le groupe a retrouvé le moral. La foi en l’avenir. Le sentiment d’adhésion aux multiples projets et événements d’Orange, de la banque en ligne aux “Show Hello” qui évoquent les grandes innovations menées, est palpable chez les salariés. De même que leur fierté. Je rencontre régulièrement les représentants syndicaux  : proximité et accessibilité sont essentielles pour le futur, pour que l’entreprise soit capable de relever les défis qui l’attendent. La performance financière va l’y aider. Le bilan est globalement sain. Même s’il reste des progrès à accomplir en Bourse, la dette a largement diminué. Et les performances financières et commerciales sont bonnes.

Et technologiques ?
Bien sûr. L’Autorité de régulation (ARCEP) vient de classer Orange au premier rang pour la qualité de son réseau. Une performance réussie pour la septième année consécutive, qui ne doit rien au hasard. Dès le premier plan que j’ai présenté, en 2010, baptisé “Conquête 2015”, les investissements dans les réseaux figuraient en bonne place. Ce n’était pas la vision d’un ingénieur, puisque je ne le suis pas, mais plutôt celle d’un commerçant et d’un utilisateur. Quand une offre est plus chère que celles des concurrents, à cause de la structure des coûts, des effectifs et de l’histoire du groupe, il devient encore plus indispensable de vendre de la qualité. D’autant qu’avec les évolutions technologiques — 3G, puis 4G… — on télécharge des éléments de plus en plus lourds. Du coup, les défauts qualitatifs s’avèrent davantage pénalisants.

La “box” d’Orange a fait l’objet de multiples critiques…

Dans le passé, c’est vrai. Mais on n’en entend plus aucune aujourd’hui. Elle a prouvé sa supériorité, grâce à son niveau de performance et sa fiabilité. Au point de faire désormais référence sur le marché.

Orange a misé sur l’Afrique et le Moyen-Orient

Avec le recul, le choix de la fibre était-il pertinent ?
C’est une décision que j’ai prise il y a quatre ans. En rupture avec les choix antérieurs faits en interne, et à la différence de la stratégie suivie par nos concurrents européens, à l’exception de Telefonica en Italie. Je l’assume complètement, même si ce pari n’avait rien d’évident, compte tenu du passé de l’entreprise lié au réseau cuivre. Une sacrée prise de risques. Mais je la revendique, car j’estime qu’elle prépare l’avenir.

Le développement à l’international répond-il à vos attentes ?
Orange a misé sur l’Afrique et le Moyen-Orient, et les résultats ne nous déçoivent pas puisque la marge brute réalisée y est légèrement supérieure à la moyenne du groupe. Nous y comptons aujourd’hui 110 millions de clients. Le chiffre d’affaires a doublé en sept ans en Afrique, grâce à la croissance organique et aux acquisitions. Parallèlement, nous sommes sortis des pays où notre implantation s’est révélée un échec. Le potentiel est immense, tant au niveau de la dynamique démographique qu’à celui du développement. Notre service “Orange Money”, qui permet un usage bancaire quotidien avec un mobile, a été inventé en Afrique. Il compte 30 millions d’utilisateurs actuellement, pour un milliard d’euros de transactions chaque mois. C’est un facteur réel de changement des conditions de vie.

Vous avez longtemps plaidé pour une “consolidation” en France, via une diminution du nombre des opérateurs. En vain ?
Je le regrette, sans avoir le sentiment d’un échec, car j’ai réellement essayé de convaincre. J’ai en effet toujours considéré qu’elle pourrait être triplement positive  : pour les clients, l’industrie et le pays. J’ai plaidé en sa faveur sans y parvenir, alors que cette consolidation s’est produite ailleurs en Europe, en Allemagne, en Italie, en Espagne ou au Royaume-Uni. Etre un opérateur télécom, c’est avoir un métier d’infrastructures qui exige d’énormes investissements. Il paraît aberrant qu’il y ait un nombre identique d’opérateurs en Chine (où China Mobile compte à lui seul 840 millions de clients) qu’au Luxembourg… Le secteur vit mal la fragmentation parce qu’il est difficile de déployer des réseaux de bonne qualité dans ces conditions.

Les adversaires d’une consolidation mettent en avant le risque social. A raison ?
Leurs arguments, de nature consumériste et électoraliste, ne résistent pas à la réalité des chiffres. Des plans de licenciements importants ont été mis en œuvre chez plusieurs de nos concurrents, malgré le maintien de quatre opérateurs.

Nous ne sommes pas en faveur d’un système d’exclusion

Quelles sont les clés de la croissance dans un tel environnement ?
Il faut réussir à rester performant dans la durée, face à des concurrents qui possèdent des modèles économiques et des structures de coûts très différents des nôtres. Et qui privilégient les attaques tarifaires agressives. Offrir pour presque rien un produit hautement technologique me semble un dévoiement de toute notre industrie. On envoie en outre aux consommateurs un message troublant  : au fil de promotions déraisonnables, plus personne ne peut comprendre comment ce secteur fonctionne. Encore moins au moment où les usages en matière de données explosent. Quel ingénieur serait persuadé que les réseaux puissent résister à cette quantité de data, parfois offerte en forfait illimité ? Et c’est encore pire hors des villes, où la 4G est pour l’instant moins présente.

La diversification représente-t-elle justement dans ce cadre de réelles opportunités ?
Oui. Même si des questions demeurent en suspens. Dans l’Internet des objets, par exemple, difficile d’analyser le modèle économique. Qui fera quoi ? Qui sera rémunéré ? Comment les données seront-elles protégées ? La clé, c’est d’être capable de saisir les bons domaines de services qui seront bousculés par le digital. Choisir les “bonnes échappées”, comme disent les cyclistes. La cyber-sécurité en fait partie. La protection des données personnelles, mais aussi la protection contre des attaques de toutes sortes, comme celles qui se sont produites récemment, sont un enjeu majeur. Tout le monde est vulnérable. Les acteurs qui sauront très tôt se positionner sur ce terrain auront un réel rôle à jouer. Notre filiale Orange Cyberdefense, créée en 2015, emploie déjà un millier de salariés et croît de 20 % par an.

Et dans les contenus ?
Orange s’oriente vers des partenariats multiples, dans une quantité de domaines — le sport, la musique, la production de séries et de films. Nous ne sommes pas en faveur d’un système d’exclusion. Ce n’est pas notre culture.

Source : parismatch.com (3 juillet 2017)