Se mettre au télétravail ? Pourquoi pas ?

Revue de Presse

Source : courriercadres.com (8 janvier 2019

De nombreux pays européens l’ont déjà adopté, mais les entreprises françaises manifestent une légère méfiance à son égard. Pourtant, travailler hors des locaux de l’entreprise présente des avantages considérables pour les employés, les entreprises et l’Etat. Par Laurine Debaisieux, consultante pour le Groupe Square.

 

Le télétravail en Europe

L’essor du télétravail est inhomogène au sein des Etats européens. On observe une plus forte utilisation dans les pays nordiques par rapport aux pays d’Europe du Sud et orientale. Dans son rapport 2015, l’EWCS rapporte que 7% des Italiens, 25% des Français et 33% des Européens du Nord pratiquent le télétravail.

L’usage des TIC, l’accès à internet, et la culture nationale influencent les usages. Les normes sociales expliquent également cette défiance : la culture française n’incite pas à la prise de risque. Bien que des évolutions soient perceptibles, le management en France est encore jugé trop hiérarchique et inflexible : peur de laisser plus de liberté aux équipes, valorisation du présentéisme et management « top-down» en sont les principales raisons. Les dirigeants français craindraient-ils de perdre le contrôle ?

Pourtant les pays nordiques managent en s’appuyant sur le travail collaboratif et la prise d’initiative. Les économistes Yann Algan et Pierre Cahuc 1 nous aident à comprendre cette spécificité puisqu’ils ont constaté que 21% des Français considèrent qu’ils peuvent faire confiance aux autres, contre plus de 60% pour les Suédois Danois et Néerlandais.

Par ailleurs, les motivations des Etats à développer le télétravail sont variées et adaptées à leur stratégie économique : augmentation de la productivité des entreprises, développement de l’innovation ou encore soutient de la politique familiale. A ce titre, le 14 novembre 2018, Edouard Philippe a évoqué des mesures pour favoriser le télétravail afin de limiter les arrêts maladie, notamment de plus de 6 mois qui représentent 44% du coût total des arrêts. Cette mesure concernerait par exemple une personne qui ne peut pas se rendre sur son lieu de travail mais apte à travailler. Reprise progressive du travail et diminution des difficultés que rencontrent les salariés à leur retour en seraient les principaux bénéfices.

En outre, à l’heure où les questions environnementales font débat, le téléworking se présente comme une réponse pertinente et la solution est gagnante pour l’ensemble des parties prenantes, l’Etat, les entreprises et les employés.

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Les bénéfices pour l’entreprise

* Hausse de la productivité

* Réduction des coûts immobiliers

* Diminution de l’absentéisme et du turnover

* Employés moins stressés et plus impliqués. Selon une étude menée par Malakoff Médéric en 2017, 82% des dirigeants concernés estiment que le télétravail accroît l’engagement des salariés.

* Moyen d’attirer les millénials en demande de flexibilité et de souplesse.

* Meilleure qualité de vie au travail et plus grande sympathie des salariés : selon une enquête menée par la CFDT en 2016, 36% des personnes interrogées ont déjà fait un burn-out.

 

Les bénéfices pour l’employé

* Meilleur équilibre vie privée et vie professionnelle

* Gain de temps, d’énergie et donc meilleure performance

* Diminution du stress, augmentation de l’autonomie et de l’efficacité : Plus de 85% des 1507 télétravailleurs interrogés estiment qu’ils gagnent en autonomie et en efficacité

* Gain financier

 

Les facteurs externes incitant le télétravail

Des événements ponctuels mais de plus en plus fréquents peuvent également entraver la disponibilité des employés et a fortiori la productivité : Des véhicules bloqués sur les routes enneigées, les grèves SNCF, crues de la Seine sont autant d’événement en faveur du télétravail.

Cependant, le télétravail ne convient pas à tous les collaborateurs. Si certains y voient plus d’autonomie et de bien-être, pour d’autres il est générateur de perte de lien social et d’anxiété. Très justement, lundi 15 octobre 2018, Jean-François Rial, président Voyageurs du Monde, a déclaré : « la clé est que la personne soit très impliquée. Elle va être plus productive pendant le temps où elle sera en télétravail, car elle ne sera pas dérangée. Mais pour celui qui est moyennement motivé dans son entreprise, le télétravail va le conduire au fond du trou. »

 

Un accompagnement nécessaire des managers et des collaborateurs

En outre, la distance physique entre le collaborateur et son manager bouleverse les codes et les pratiques managériales. Un manager devra réinventer son rôle pour sa direction et ses collaborateurs. Une équipe devra redéfinir son fonctionnement afin de garder un lien, une culture et une ambition commune.

L’enjeu du télétravail est de trouver la meilleure combinaison entre les besoins économiques de l’entreprise et le bien-être des collaborateurs, en dosant convenablement appropriation, communication et audace.

Laisser le choix et faire évoluer nos modes de travail est une opération complexe et délicate qu’il est nécessaire d’accompagner humainement et pas seulement juridiquement et informatiquement. Cela passe par la redéfinition des attentes de chacun, l’évolution du rôle des managers, la mise en place de moment d’échange avec l’ensemble de l’équipe… Comme dans toute transformation, l’aspect humain et culturel est primordial pour que les processus et la productivité s’en trouvent renforcés.