Retraites, un indécent calcul politique

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Source : Lesechos.fr (12 juillet 2016)

C’est un numéro assez stupéfiant auquel on a assisté ce lundi sur l’avenir des retraites. Acte 1, des experts viennent remettre à Manuel Valls l’avis annuel du Conseil d’orientation des retraites (COR), qui note l’amélioration « sensible » des comptes de ces régimes et envisage avec « sérénité » les évolutions encore nécessaires. Acte 2, le Premier ministre se réjouit du fait que « la France ? [ait] su remettre son système de retraites sur les rails ». Acte 3, Marisol Touraine, la ministre des Affaires sociales, en tire la conclusion que « la question de l’âge de la retraite n’a plus de raison d’être posée ». Le message à l’opinion est sans sous-titre : n’écoutez pas les candidats de droite qui vous annoncent un relèvement de l’âge de départ de 62 ans à 64 (Sarkozy) ou 65 ans (Fillon et Juppé), ce n’est en rien nécessaire. Et la ministre de fustiger les « messagers de l’anxiété » motivés par des raisons inavouables, puisque les arguments financiers ne sont pas sérieux. Ce discours est indécent à plusieurs titres, et pas seulement parce que la ficelle politique est grosse. Il l’est parce que si « la France » a redressé les comptes sociaux, ce n’est pas grâce à la gauche, qui est du coup assez mal placée pour tirer la couverture à elle. Le Parti socialiste s’est à quatre reprises opposé, jusque dans la rue, aux ajustements décidés par Edouard Balladur (1993), François Fillon (2004) et Nicolas Sarkozy (2008 et 2010). On n’aura pas la cruauté de rappeler les termes utilisés alors. Bien évidemment, ni Lionel Jospin ni François Hollande ne sont revenus en arrière sur l’essentiel, l’augmentation du nombre de trimestres nécessaires pour avoir une pension et le recul de l’âge minimum de départ.

L’assurance du gouvernement n’a pas lieu d’être pour une autre raison, toute simple : le postulat de départ – tout va bien ou presque – est singulièrement excessif. Hélas. Le déficit des retraites de base du secteur privé et de divers dispositifs de solidarité tournera autour de 3,5 milliards d’euros cette année et le COR le voit à encore 4 milliards en 2020. Ces chiffres ne prennent pas en compte les subventions aux régimes spéciaux des entreprises publiques ni les retraites des fonctionnaires. Et, pour au-delà, l’optimisme repose sur des hypothèses… optimistes, un taux de chômage un tiers inférieur à ce qu’il est aujourd’hui et des revenus continuant de progresser à un rythme convenable.

Si on veut être aimable, on dira que ces déclarations de Manuel Valls et Marisol Touraine peuvent avoir une vertu, celle de pousser les candidats de la droite républicaine à préciser le cadrage financier sur lequel s’appuient leurs propositions concrètes. Ce sera certainement bienvenu. Pour le reste, le gouvernement rend un mauvais service aux partenaires sociaux responsables des retraites complémentaires (Agirc-Arrco), qui viennent de « cranter » l’âge de 63 ans. Et sans doute ni pour le plaisir ni par masochisme.