Loi Travail : ce qui va finalement changer

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Source : lesechos.fr (20 juillet 2016)

La loi El Khomri qui a été définitivement adoptée ce jeudi apporte d’importantes modifications au droit du travail.
Le temps de travail négocié dans l’entreprise

C’est le coeur du réacteur de la réforme et le noeud de la discorde. L’article 2 du projet de loi prévoit que désormais, c’est dans l’entreprise que doivent se négocier les questions d’organisation du temps de travail. Si la durée l’égale reste à 35 heures par semaine, c’est sur le lieu de travail que seront fixés les paramètres concernant les heures supplémentaires, du seuil de déclenchement à la rémunération de celles-ci (avec possibilité de calculer le temps de travail sur trois ans) comme leur rémunération (pas en deçà de 10 %) en passant par les règles d’astreinte ou de prise de congés.

Manuel Valls a dû concéder qu’en l’absence d’accord, c’est la loi actuelle qui s’appliquera, mais désormais, le verrou de la branche va sauter. Les règles décidées par la profession ne s’appliqueront qu’en l’absence d’accord d’entreprise.

Le licenciement facilité dans les PME

C’est l’autre point de départ de la contestation et les premiers éléments sur lequel le gouvernement a reculé : en renonçant dès mars à plafonner les indemnités prud’homales, Manuel Valls a considérablement réduit l’ambition du volet réforme du licenciement du texte. S’il a ensuite tenté de conserver la refonte du périmètre d’appréciation par le juge des difficultés économiques d’une multinationale, pour le ramener de l’échelle internationale à la nationale, l’exécutif a aussi fini par céder à la rue et aux frondeurs, sur ce point. Cela lui vaut l’ire des grandes entreprises, qui menaient un intense lobbying pour cette mesure.

Reste quand même au final l’article précisant les critères des licenciements économiques en les différenciant selon la taille des entreprises. Les TPE (moins de 11 salariés) connaissant au moins un trimestre de baisse « significative […] des commandes ou du chiffre d’affaires » (en comparaison avec la même période un an avant) pourront licencier. Sont aussi évocables « des pertes d’exploitation, une dégradation de la trésorerie » ou « tout autre élément de nature à justifier ces difficultés ». Il faudra deux trimestres consécutifs de baisse pour une entreprise de 11 à moins de 50 salariés, trois trimestres de 50 à moins de 300 salariés et quatre trimestres au delà de 300 salariés.

La création d’accords offensifs sur l’emploi

Prolongeant et musclant la logique des accords de maintien dans l’emploi créés en 2013, le texte permet aux entreprises d’ajuster, par accord majoritaire, leur organisation pour « préserver ou développer l’emploi ». L’accord majoritaire primera sur le contrat, y compris en matière de temps de travail. Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, il peut être signé par des représentants élus mandatés par les syndicats. Le salaire mensuel ne pourra pas être diminué mais d’autres éléments de rémunération (primes, etc.) peuvent être revus à la baisse ou supprimés.

A défaut de stipulation de la durée de l’accord dans le texte, celle-ci serait fixée à cinq ans. Les salariés refusant ces accords s’exposeront à un licenciement pour « motif spécifique », avec la procédure d’un licenciement individuel pour motif économique mais sans les mesures de reclassement. Ils bénéficieront d’un « parcours d’accompagnement personnalisé », assuré par Pôle Emploi et financé pour l’essentiel par l’Etat.

Le recours au référendum

Les règles de validation des accords conclus entre direction et syndicats dans les entreprises vont être bouleversées. Actuellement, un accord pour être valable doit être signé par des organisations représentant au moins 30 % des salariés, à la condition qu’il n’y ait pas d’opposition de syndicats représentant plus de 50 % des salariés.

Demain, un accord signé par des organisations représentant au moins 30 % des salariés mais moins de la moitié ne pourra entrer en vigueur que s’il est validé la majorité des salariés à l’occasion d’un référendum et si ce dernier est demandé par un des syndicats signataires dans le mois suivant le paraphe du texte.

Les forfaits jours sécurisés

Les PME ne pourront pas conclure de gré à gré des forfaits jours avec leurs salariés autonomes comme prévu initialement. Il faudra en passer par un accord collectif systématiquement. En revanche, la loi va sécuriser le dispositif. Comme l’a préconisé la Cour de cassation dans son rapport annuel 2014, la loi travail se propose de « préciser dans le Code du travail les clauses obligatoires de l’accord collectif permettant de garantir la protection de la santé et de la sécurité des salariés », en particulier les modalités d’évaluation et de suivi par l’employeur de la charge de travail, et celles des échanges périodiques entre l’employeur et le salarié de cette charge.

De surcroît, un dispositif dit de béquille va sécuriser les forfaits jours des entreprises qui s’appuient sur un accord insuffisamment précis en matière de suivi du temps et de la charge de travail. Les forfaits jours déjà conclus et adossés à des accords non conformes pourront s’appliquer dès lors que l’employeur respecte ces dispositions « béquilles ».

La définition d’un ordre public conventionnel

C’est une ultime concession du gouvernement. La réforme dans sa version finale affirme la prééminence de la branche sur six sujets : la prévention de la pénibilité et l’égalité professionnelle femmes-hommes vont s’ajouter aux minima salariaux, aux classifications, aux garanties collectives complémentaires et à la mutualisation des fonds de la formation professionnelle.

Est aussi désormais demandé au patronat et aux syndicats des branches de préciser par accord la définition d’un « ordre public conventionnel » qui s’imposera à toutes les entreprises du secteur. Mais ils auront le temps… Dans sa dernière version, la loi prévoit seulement que « avant le 30 décembre 2018, chaque branche établit un rapport sur l’état des négociations ».

Un revenu et une aide pour tous les jeunes chômeurs

Pour les jeunes de 16 à 25 ans ni en emploi, ni en étude, ni en formation, le texte généralise dès 2017, sous conditions de ressources, le « droit » à la garantie jeunes. Ce dispositif, lancé timidement en 2014 et en cours de déploiement national, prévoit un accompagnement renforcé vers l’emploi, par les missions locales, et une allocation mensuelle de 461 euros, pendant un an.

Pour les moins de 28 ans diplômés depuis moins de trois mois, est créée une aide de quatre mois à la recherche du premier emploi.

Le Compte personnel d’activité

François Hollande y voit la « grande réforme sociale du quinquennat ». Le Compte personnel d’activité (CPA) regroupera, à partir de 2017, le compte personnel de formation (CPF), le compte pénibilité (C3P) et un nouveau « compte d’engagement citoyen ». Il sera ouvert aux retraités. Le plafond du CPF va monter de 150 à 400 heures pour les salariés sans diplôme.

La nouvelle représentativité patronale

Après des semaines de tractations, les principales organisations patronales (Medef, CGPME, UPA) sont parvenues à trouver un accord au début du mois de mai : les mandats dans les organismes paritaires, à commencer par le fonds paritaire national pour le financement des partenaires sociaux créé en mars 2014, seront répartis à hauteur de 70% du nombre de salariés des entreprises adhérentes et 30% du nombre d’entreprises adhérentes. Une répartition qui devrait permettre au Medef de demeurer majoritaire sur le plan social.