« Le burn-out, une forme particulière de dépression »

Revue de Presse

Source : sciencesetavenir.fr (5 janvier 2019

Dans son hors-série numéro 196 (janvier / février 2019) Sciences et Avenir a interrogé le psychiatre Patrick Hardy, de l’hôpital Bicêtre, pour mieux cerner ce qu’est le ‘burn-out’. Interview

Sciences et Avenir : Qu’est-ce que le burn-out ou syndrome d’épuisement professionnel ?

Patrick Hardy : Le terme a été popularisé à partir des années 1970 par la psychologue américaine Christina Maslach. Celle-ci l’a défini comme un syndrome composé de trois dimensions indépendantes : l’épuisement émotionnel, la dépersonnalisation et le défaut d’accomplissement personnel. Il apparaît très proche d’un état dépressif. Dès les années 1950, les psychiatres européens avaient décrit une forme particulière de dépression – la dépression d’épuisement – principalement observée chez des personnes consciencieuses soumises à de fortes responsabilités professionnelles. Plus récemment, de nombreux travaux ont permis de confirmer l’important chevauchement symptomatique entre burn-out et dépression.

Quels en sont les signes cliniques ?

Des symptômes très divers, qui incluent des manifestations émotionnelles : anxiété, irritabilité, tristesse, hypersensibilité ou, au contraire, absence d’émotion, manque d’entrain. Des manifestations physiques et cognitives aussi : troubles du sommeil, fatigue, tensions musculaires et douleurs, vertiges, diminution de la concentration et de l’attention, difficulté à prendre des décisions… Sur le plan comportemental, on peut observer un repli sur soi avec isolement, des comportements hostiles ou agressifs, une diminution de l’empathie. Le sujet tend à se démotiver, à se désengager de son travail, à se déprécier et à douter des valeurs qui fondaient son engagement.

Le burn-out n’est pourtant pas une maladie reconnue. Pourquoi ?

Le concept proposé par Christina Maslach a fait l’objet de nombreuses critiques ; d’autres outils de mesure, principalement centrés sur la dimension d’épuisement, ont été suggérés. Par ailleurs, en l’absence de définition diagnostique, le burn-out ne peut être considéré comme une pathologie. On peut plutôt le concevoir comme un marqueur d’exposition à certains risques psychosociaux (situations de stress ou de violence au travail) ou un outil de dépistage individuel.

Comment prévenir cet épuisement ?

Il s’agit en premier lieu de mettre en oeuvre, dans toutes les entreprises, une politique de prévention. Réglementairement, celle-ci doit être transcrite dans un « document unique ». Il faut également dépister précocement les premiers signes d’une souffrance psychique afin de mettre en place des dispositifs d’aide individuelle et de corriger des dysfonctionnements à l’origine de cette souffrance. La médecine du travail, mais aussi les médecins traitants et les proches, ont un rôle essentiel à jouer en matière d’alerte.