Burn-out : un psychologue de Vernon en parle

Revue de Presse

Source :   actu.fr/ (20 avril 2019)

Renaud Lebarbier est psychologue spécialisé dans la souffrance au travail. Installé à Vernon, il nous parle de ces maux de plus en plus fréquents chez les salariés.

Pourquoi vous êtes-vous spécialisé dans la souffrance au travail ?

Renaud Lebarbier  : Je suis psychologue et j’ai longtemps travaillé dans la prévention et la formation. Je suis donc un observateur de la souffrance au travail depuis longtemps et je constate que les conditions de travail se sont dégradées depuis 10-15 ans.Pourquoi vous êtes-vous spécialisé dans la souffrance au travail ?

Quelles sont les pathologies liées au travail ?

Des phénomènes post traumatiques liés au harcèlement au travail de la part de l’employeur, des chefs mais également de collègues ou de clients qui en demandent toujours plus. Les problèmes somatiques en tout genre  : problèmes cardiaques, maux de dos… L’effondrement  : un jour, la personne n’arrive plus à se lever. C’est le burn-out.

On parle beaucoup de ce mal, le burn-out, pouvez-vous décrire les symptômes ?

Les gens dans un état de burn-out sont épuisés émotionnellement et physiquement. Les signes sont proches de ceux de la dépression. Mais la grande différence est dès qu’ils cessent de travailler, ils retrouvent rapidement la joie de vivre et les symptômes cessent.

Le risque suicidaire est-il courant ?

Oui, certaines personnes vont jusque-là. Et certains passages à l’acte se produisent sur le lieu de travail.

Quelle est votre méthode pour identifier que le mal-être d’un patient provient bien de son travail ?

La problématique au travail vient souvent entamer l’identité de la personne. Il faut donc établir une double chronologie  : remonter l’histoire de la personne au travail et trouver les éléments qui ont déclenché les problèmes de santé. Les gens malades mettent souvent leur mal-être sur une personne en particulier ou sur leur incapacité personnelle alors que le problème vient du travail. La prise de conscience peut être douloureuse.

Quelles solutions apportez-vous aux patients ?

Je travaille avec eux sur les valeurs essentielles recherchées dans le travail afin d’aboutir à une reconversion. Le patient doit retrouver le pouvoir d’agir sur son travail et comprendre les dysfonctionnements de l’organisation du travail.

Changer de métier n’est pas toujours aisé, comment faire avec un patient qui est prêt à reprendre son travail ?

On travaille sur l’organisation de l’entreprise et sur les manques dans la mise en place des conditions de travail.

Pouvez-vous intervenir auprès de l’entreprise ?

Je peux prendre contact avec le médecin du travail qui peut mettre en place une action sur l’entreprise et l’alerter. Les conditions de travail peuvent se dégrader très rapidement. Un changement de politique, une réorganisation… Je peux agir dans l’entreprise mais il faut que celle-ci identifie une demande en relation avec la souffrance au travail. Les salariés ont besoin d’une organisation qui a du sens, pas d’une organisation basée sur la rentabilité.

Aujourd’hui, c’est le maître mot des entreprises…

Les salariés du privé ont vécu ce changement, cette vision gestionnaire, il y a longtemps. Dans le public, c’est plus récent et ce changement engendre beaucoup de conséquences sur la santé.

Les arrêts maladie sont-ils indispensables pour se soigner ?

Oui, la personne doit couper avec le travail. Dans un premier temps, la réponse est souvent médicamenteuse pour réduire les symptômes.

Qui est le plus touché par la souffrance au travail ?

On constate une vraie division sexuelle dans le travail. Les femmes sont les plus touchées, elles ont souvent cette double journée entre leur travail et la vie de famille à gérer.

C’est un problème qui concerne davantage le couple que l’entreprise…

Et cette différence est sociologique et non naturelle. Il faut faire attention au partage des tâches entre l’homme et la femme pour que la pression soit répartie. Quant à l’employeur il doit prendre soin de la santé de ses salariés et ne pas ignorer les effets du stress sur la santé. C’est inscrit dans le Code du travail.

Et que montrent les statistiques concernant les salariés les plus âgés ?

Les salariés de 50 ans sont également plus nombreux à être touchés par la souffrance au travail. Ce sont des gens qui travaillent depuis vingt ou trente ans, les règles de l’entreprise ont changé et ils sont considérés comme seniors et donc moins performants. L’entreprise étant en perpétuel bouleversement, elle considère que les seniors s’adaptent moins bien. Ils perdent confiance en eux. Le monde du travail est très sélectif. L’entreprise oublie souvent que les gens de plus de 50 ans ont une expérience qui a une grande importance. Il faut profiter de cette expérience pour réhumaniser et soigner le travail.