Quatre questions sur le ramadan en entreprise : que dit le droit du travail ?

Revue de Presse

Source : lemonde.fr (7 mai 2019)

Pendant un mois, des hommes et des femmes jeûneront le jour, tout en continuant à travailler. Existe-t-il des aménagements légaux ?

C’est un des cinq piliers de l’islam  : le ramadan a commencé lundi 6 mai en France. Pendant ce mois considéré comme sacré, les fidèles ne doivent ni manger ni boire, de l’aube au coucher du soleil. On estime entre 4 et 5 millions le nombre de personnes «  de culture musulmane » en France. Selon un sondage IFOP-Marianne réalisé en 2011, 71 % des fidèles en France déclaraient respecter le jeûne du ramadan.

Aucune disposition du code du travail ne vise explicitement cet acte religieux, mais certaines d’entre elles peuvent s’appliquer au salarié pratiquant, explique au Monde Pascal Caillaud, chercheur au CNRS et membre des «  Surligneurs ». Le ministère du travail a publié un «  Guide pratique du fait religieux dans les entreprises privées » pour éclaircir des situations entre salariés pratiquants et employeurs. Explications.

Quiz  : que savez-vous du ramadan ?

1. Les horaires doivent-ils être aménagés pendant le ramadan ?

Rien n’est obligatoire. Le salarié pratiquant le ramadan peut cependant négocier en amont un aménagement de son temps de travail (décalage des pauses pour tenir compte de la rupture du jeûne, journées continues sans pause déjeuner, journées raccourcies, etc.). Son employeur peut le lui accorder si cela n’entrave pas l’organisation de l’entreprise. «  Il peut demander en contrepartie au salarié de rattraper les heures non travaillées ultérieurement », ajoute Pascal Caillaud.

Mais l’employeur peut également le lui refuser en vertu de son pouvoir de direction. «  Il doit veiller à ce que son refus ne soit pas constitutif d’une discrimination », précise le chercheur.

2. L’employeur peut-il imposer à son salarié qui jeûne des «  tâches pénibles » ?

Le code du travail impose à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses travailleurs.

Le fait de jeûner ne représente pas, en soi, une impossibilité de travailler. Si un médecin du travail établit que le jeûne ne permet pas d’exécuter un travail en toute sécurité, l’employeur doit retirer le salarié de son poste. Dans ce cas-là, la rémunération de l’employé n’est pas forcément maintenue.

L’employeur peut également décider d’un changement d’affectation sans que cela constitue une sanction disciplinaire.

3. L’employeur peut-il refuser des congés payés au motif que le salarié pratique le ramadan ?

Non (pas sous ce motif). Un refus sur la base d’une confession religieuse est interdit. «  Le salarié n’est pas dans l’obligation de justifier pourquoi il demande la prise de congés. Toutefois, la période de prise des congés est fixée par un accord ou une convention. S’il n’y en a pas, il appartient à l’employeur de fixer cette période », rappelle Pascal Caillaud.

Mais l’employeur peut refuser une demande de congés de son salarié pour des raisons liées aux contraintes de l’entreprise. Si plusieurs employés demandent à bénéficier, au même moment, de congés simultanés, cela peut amener une désorganisation de l’entreprise. Dans ce cas précis, l’employeur peut accepter la demande de congé d’un salarié et la refuser pour un autre, même si les deux demandes sont liées à la même pratique religieuse. Il se rapporte alors à l’ordre des départs en congés payés (article L3141-6) fixé en fonction de la situation de famille ou encore de l’ancienneté du salarié.

4. L’employeur peut-il obliger son salarié à participer aux repas d’affaires ?

Oui. Si le repas d’affaires fait partie du travail pour lequel l’employé a été embauché, comme c’est le cas chez certains commerciaux, son supérieur peut exiger sa présence. Mais il ne peut l’obliger à consommer le repas. Il faut donc distinguer la présence au repas de la consommation des aliments ou des boissons.

Dans la pratique, les religieux musulmans admettent des dérogations de rupture du jeûne pour les fidèles en difficulté, notamment en période de canicule.