Un infarctus constitue-t-il un accident de travail?

Revue de Presse

Source : lecho.be (11 octobre 2019)

La question a défrayé à de nombreuses reprises la chronique judiciaire.

Par Robert De Baerdemaeker, Avocat au Barreau de Bruxelles et associé Koan Law Firm

La question de savoir si un infarctus constitue ou non un accident du travail a défrayé à de nombreuses reprises la chronique judiciaire. Celui-ci est-il survenu dans le cours ou par le fait de l’exécution du contrat de travail? La question est évidemment pertinente et a donné lieu à de nombreuses réflexions médico-juridiques.

Mais que dire alors d’un infarctus survenu lors d’un déplacement professionnel à un moment où le travailleur n’est pas en train de travailler? Dans une telle hypothèse, le cours de l’exécution du contrat de travail est-il suspendu et comment faut-il appréhender la question?

Dans un arrêt du 17 mai 2019 (nr16/08787), la Cour d’appel de Paris a rendu un arrêt susceptible de nourrir les réflexions jurisprudentielles belges.

Une parfaite inconnue

À l’occasion d’un déplacement professionnel, un travailleur fut amené à rester loger sur place. Une chambre d’hôtel lui avait été réservée mais il s’avéra qu’il n’y passa pas le début de la nuit. En effet, ayant manifestement rencontré une dame que la Cour d’appel qualifie de ‘parfaite inconnue’, le travailleur a suivi celle-ci chez elle.

Après avoir entretenu avec elle des relations sexuelles, il fut foudroyé par un infarctus. Les secours ne purent le réanimer et son employeur fut informé de son décès dès le lendemain.

Que dire d’un infarctus survenu lors d’un déplacement professionnel à un moment où le travailleur n’est pas en train de travailler ?

Il procéda immédiatement aux formalités requises mais, après que l’institution compétente pour reconnaître l’existence d’un accident du travail ait pris la décision de valider l’infarctus intervenu dans les circonstances décrites ci-dessus, l’employeur contesta la décision.

Le tribunal ‘des affaires de sécurité sociale’ lui donna tort et il interjeta appel devant la Cour d’appel de Paris.

Au moment de l’infarctus, c’est-à-dire aux alentours de 22h30, le travailleur avait accompli sa journée de travail et il ne travaillait plus. Il n’exécutait donc pas son contrat de travail et, sauf à démontrer, que l’infarctus eût été une conséquence de la journée qu’il venait de vivre ou bien même des précédentes, l’accident ne trouvait pas directement sa cause dans l’exécution de son contrat de travail.

Ceci étant, la malheureuse victime effectuait un déplacement professionnel pour compte de son employeur qui avait prévu un hébergement pour lui permettre de rester sur place et de reprendre l’exécution de ses tâches, dès le lendemain après une nuit à l’hôtel payée par l’employeur.

Ce qui allait se passer entre la dernière prestation professionnelle du jour du décès et la première qui aurait dû être accomplie le lendemain, pouvait-il être considéré comme un accident du travail ou non? Telle était la question soumise à la Cour d’appel.

Un acte de la vie courante

L’employeur plaidait qu’il ne s’agissait finalement pas d’un accident du travail car son employé avait, en réalité, interrompu la mission et donc le cours de l’exécution de son contrat de travail et que l’accident était survenu dans la sphère privée de son existence. Au moment de la crise cardiaque, il n’aurait plus été en mission pour lui, si bien que la législation sur les accidents de travail ne trouvait plus à s’appliquer.

La caisse des accidents du travail plaidait quant à elle que le rapport sexuel ayant précédé le décès relevait des actes de la vie courante ‘tout comme un repas ou une douche’ et que, par ailleurs, la victime bénéficiait d’une présomption de reconnaissance de l’accident comme accident du travail, et que l’employeur n’apportait pas la preuve de ce qu’elle aurait interrompu sa mission pour accomplir un acte tout à fait étranger à celle-ci.

La Cour d’appel suivit ce raisonnement décidant qu’il importait peu que l’accident survienne, durant un déplacement professionnel, à l’occasion d’un acte professionnel ou bien d’un acte de la vie courante. Elle précisa qu’un rapport sexuel relevait de la vie courante et constata que l’employeur n’apportait pas la preuve de l’existence d’une interruption permettant de disqualifier l’accident du travail. Elle ajouta qu’il importait peu que l’infarctus se soit produit dans la chambre de la parfaite inconnue plutôt que dans sa chambre hôtel, qui lui avait été réservée.