C’est quoi la « clause du grand-père », qui divise le gouvernement sur les retraites ?

Revue de Presse

Source : ouest-france.fr (19 novembre 2019)

Le haut-commissaire aux retraites, Jean-Paul Delevoye, a provoqué un cafouillage gouvernemental, le 6 novembre, en affirmant être contre le recours à la «  clause du grand-père », dans le cadre de la réforme sur les retraites. L’origine de la fameuse «  clause du grand-père » remonte à la guerre de Sécession.

«  Si on fait la «  clause du grand-père » pour une profession, il faut la faire pour tout le monde, question d’équité, ça veut dire que l’on renonce à la réforme. » Cette phrase est issue d’un entretien publié dans Le Parisien, le 6 novembre.

Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites et porteur de la réforme en cours, s’est publiquement opposé à l’application de cette «  clause du grand-père ». Il défend l’instauration d’un «  régime universel », qui remplacerait les actuels quarante-deux régimes spéciaux français.

Qu’est-ce que la «  clause du grand-père » ?

Dans le domaine du droit, on appelle ça la «  clause d’antériorité »  : les conditions de l’ancienne loi s’appliquent à celles et ceux qui en bénéficiaient. Ainsi, les travailleurs déjà en place au moment du vote de la loi peuvent continuer de bénéficier des avantages dont ils jouissent. Les effets de la nouvelle loi ne s’appliquent qu’aux nouveaux embauchés.

Quel impact de cette clause d’antériorité sur la réforme en cours ?

Pour l’exécutif, ce joker permettrait de ménager les régimes spéciaux, notamment la SNCF et la RATP, alors que se profile une grève massive le 5 décembre prochain.

Jean-Paul Delevoye estime de son côté que la «  clause du grand-père » reviendrait à créer un quarante-troisième régime spécial. Et retarderait énormément l’application réelle de la réforme alors que son but est, notamment, de financer la dépendance et de faire face au vieillissement de la population.

Or, la «  clause du grand-père » reviendrait à maintenir un statut quo jusqu’à ce que les travailleurs déjà en place disparaissent, progressivement, du marché du travail.

Rien n’est gravé dans le marbre. Mais en imaginant une entrée en vigueur de la réforme en 2020, et en partant du principe qu’il faudra toujours cotiser environ 172 trimestres (43 ans) avant de pouvoir partir à la retraite, il n’est pas exclu que des avantages liés à certains régimes spéciaux persistent jusqu’en… 2063.

Quelle est son origine ?

Elle est américaine et remonte à la fin de la guerre de Sécession (1861-1865). Au lendemain du conflit qui a déchiré les États-Unis, le droit de vote est accordé à tous, dont les esclaves noirs américains nouvellement émancipés.

Mais sept États du Sud s’y opposent et imposent des restrictions pour, en grande partie, exclure les Noirs du droit de vote. Pour pouvoir voter, il fallait posséder une surface minimale de terre, ou savoir lire et écrire. Des conditions quasi impossibles à remplir pour d’anciens esclaves. Mais qui pouvaient aussi poser problème à des Blancs.

Afin d’éviter d’exclure du droit de vote des électeurs blancs ne remplissant pas les nouveaux critères, une mesure dérogatoire a été instaurée  : pouvaient voter les personnes dont le père, ou le grand-père, possédaient le droit de vote avant la fin de la guerre de Sécession. Cette clause a, un demi-siècle plus tard, été déclarée anticonstitutionnelle.

La «  clause grand-père » déjà utilisée en France ?

D’après l’Express, elle a été appliquée en France en 1959, avec la fin du privilège des bouilleurs de cru. De même, en 1996 et en 2002, lorsque France Telecom et La Poste ont été privatisées.

Autre cas moderne  : la réforme ferroviaire de 2018 de la SNCF. Seules les personnes embauchées à compter du 1er janvier 2020 ne bénéficieront plus du statut de cheminot. Les agents déjà recrutés, eux, conservent leurs acquis sociaux.