Génération 1975, âge pivot à 64 ans, règle d’or pour la valeur du point.. Ce qu’il faut retenir du projet de réforme des retraites

Revue de Presse

Source : lci.fr (11 décembre 2019)

ANNONCES – Le Premier ministre a détaillé mercredi 11 les options retenues pour la réforme des retraites. Face au mouvement social, le gouvernement retarde la transition vers le nouveau système par points à la génération 1975 pour le régime général, et 1985 pour les régimes spéciaux. Des primes sont prévues pour compenser certaines professions. L’âge pivot à 64 ans pour bénéficier du taux plein, est en revanche validé, avec prise en compte de la pénibilité et des carrières longues.

Sa prise de parole était attendue depuis plusieurs semaines, et rendue pressante par le mouvement social qui paralyse les transports. Edouard Philippe a annoncé mercredi les grandes options retenues pour la réforme des retraites lors d’un discours de près d’une heure au Conseil économique, social et environnemental. La France devra passer à terme dans un système ‘universel’ – sans distinction entre régime général ou complémentaire -, obligatoire, par répartition et en points. 

Le gouvernement, dont l’objectif est désormais de gagner l’opinion et de rallier les syndicats réformistes, a mis en avant plusieurs concessions notables. Parmi elles : le report de la transition vers le système par points pour le régime général à la génération 1975, ainsi que des primes pour compenser les pertes dans certaines professions. En revanche, il a tranché en faveur de l’âge pivot à 64 ans pour bénéficier du taux plein, une mesure pourtant contestée également par les syndicats réformistes comme la CFDT. Voici le détail des annonces. 

Régime général : la bascule se fera à la génération 1975

L’exécutif a finalement repoussé d’une décennie la transition vers le système de retraite par points pour le régime général. C’est donc la génération 1975 qui sera la première à passer au nouveau régime, alors qu’il était de la génération 1963 au début de la concertation. 

Le nouveau système de retraite par points s’appliquera à compter du 1er janvier 2022 pour tous les jeunes arrivant sur le marché du travail. Il s’appliquera également à cette date aux petites retraites, avec l’engagement sur le seuil de 1000 euros mensuels pour tous. Le régime par points s’appliquera à tous à partir de 2025.

‘Nous avons conçu ce système pour les jeunes générations’, a indiqué Edouard Philippe. ‘Ceux qui entreront pour la première fois sur le marché du travail en 2022 intégreront directement le nouveau système. La génération 2004 sera la première. Pour les personnes déjà dans la vie active, nous avons décidé de ne rien changer pour les personnes nées avant 1975’. Le Premier ministre a toutefois précisé que ‘pour les personnes qui rejoignent le nouveau régime, la transition sera progressive’. ‘Jusqu’à 2025, les retraites seront calculées selon l’ancien système. La génération de 1975 aura encore 70% de sa retraite calculée selon l’ancien système.’

L’âge pivot fixé à 64 ans

Le chef du gouvernement a finalement retenu une mesure fortement contestée par les syndicats mais avancée depuis le début de la consultation, à savoir l’instauration d’un âge pivot assorti d’un bonus-malus selon qu’on part avant ou après cet ‘âge d’équilibre’ à la retraite. L’objectif de la mesure est l’équilibre financier du système. 

Cet âge pivot est fixé à 64 ans. L’âge légal de départ à la retraite reste de 62 ans, mais il faudra en principe atteindre l’âge pivot pour prétendre à une pension à taux plein. 

Le Premier ministre a cependant indiqué que les discussions autour de cet ‘âge d’équilibre’ serait mis entre les mains d’une gouvernance assurée par les partenaires sociaux. ‘Nous ne pouvons pas mettre en place un âge d’équilibre à 64 ans d’un seul coup, en 2025. J’ai accepté de décaler le calendrier initial jusqu’à 2027’, a-t-il indiqué. ‘Je propose de mettre en place la nouvelle gouvernance au plus tard le 1er janvier 2021. Elle aura à prendre des décisions à mettre en oeuvre dès le 1er janvier 2022. Pour atteindre l’âge d’équilibre à 64 ans en 2027, il faudra mettre en place un système de bonus-malus.’ 

Pénibilité, carrières longues : des aménagements à l’âge pivot

La mise en oeuvre de ‘l’âge d’équilibre’ connaîtra des aménagements. Ainsi, selon le Premier ministre, ‘les personnes qui ont travaillé tôt, avant 20 ans, pourront continuer à partir avant les autres’. En outre, le nouveau système ‘tiendra compte des personnes en situation de handicap’.

‘Les personnes exerçant des métiers usants pourront partir deux ans plus tôt que les autres’, a également détaillé Edouard Philippe. ‘Cela bénéficiera notamment aux infirmiers de la catégorie A, au travail de nuit’. Le chef du gouvernement a également cité le cas des aides-soignantes, dont le parcours sera pris en compte à ce titre. 

Edouard Philippe a en outre annoncé un ‘assouplissement du dispositif de retraite progressive, avec la possibilité de continuer à accumuler des points en cumulant retraite et activité’.

La fin des régimes spéciaux confirmée

‘Nous mettrons fin progressivement, sans brutalité, aux régimes spéciaux’, a annoncé Edouard Philippe. ‘Le temps du système universel est venu, celui des régimes spéciaux s’achève.’

La suppression des régimes spéciaux de retraite est au coeur du mouvement social, notamment dans les transports publics – SNCF et RATP en tête. Si cette suppression est maintenue dans son principe, la bascule ne sera pas immédiate, loin de là. Le gouvernement a opté en faveur d’une voie médiane, entre transition immédiate et ‘clause du grand-père’. 

Pour les fonctionnaires et les agents des régimes spéciaux dont l’âge légal de la retraite est 57 ou 52 ans, la première génération concernée sera 1980 (pour ceux dont l’âge est 57 ans) et 1985 (pour ceux dont l’âge est 52 ans). Les cotisations des salariés du privé, des régimes spéciaux et des fonctionnaires devraient en principe être identiques dans les 10 à 15 ans après l’entrée en vigueur du nouveau système. 

Compensations pour les professions lésées

Pour répondre à la colère de certaines catégories de fonctionnaires, dont les enseignants, qui perdraient avec le nouveau système, l’exécutif a retenu la piste des primes de compensation. Le chef du gouvernement promet aux enseignants d’inscrire dans la loi ‘la garantie d’un niveau de retraite comparable au niveau de la fonction publique’. 

‘Nous mettrons l’accent sur les débuts de carrière’, a-t-il ajouté au sujet des enseignants. ‘Le ministre de l’Education nationale réunira les organisations syndicales pour baliser une discussion qui fixera d’ici le printemps 2021 le cadre des rémunérations, des carrières et de l’organisation de l’Education nationale.’

En outre, les ‘forces de sécurité intérieure conserveront le bénéfice de dérogation d’âge’ actuellement en vigueur quand ces agents sont exposés au risque.

Au-delà de la fonction publique, l’exécutif promet aux professions qui bénéficiaient d’un régime spécifique, comme les avocats, que ‘les réserves’ constituées grâce à leur bonne gestion ‘resteront dans les caisses des professionnels concernés’ et ‘auront vocation à accompagner la transition vers le système universel. Il n’y aura pas de siphonnage’.

Pour les professions libérales, ‘la réforme de la CSG et des cotisations vieillesse’ sera mise en place ‘au 1er janvier 2022’.

Compensations pour les femmes et les familles nombreuses

‘Les femmes seront les grandes gagnants du système universel’, a assuré Edouard Philippe, qui promet ‘une compensation du congé maternité à 100%’, et confirme la majoration des pensions de 5% dès le premier enfant. Les femmes qui doivent actuellement travailler jusqu’à 67 ans pour compenser les pertes liées aux interruptions de carrière et éviter une décote pourraient ainsi, à terme, s’arrêter de travailler plus tôt, selon le chef du gouvernement. 

En outre, au-delà des 5% de majoration dès le premier enfant, est prévue une autre compensation de 2% pour les familles de trois enfants et plus. 

Le système de la réversion sera ‘préservé’ et ‘amélioré’, assure aussi le Premier ministre, ‘en garantissant 70% des ressources du couple au conjoint survivant’. 

Retraite minimale à 1000 euros, surcotisation pour les hauts salaires

Selon le projet du gouvernement, ‘le système universel permettra de mieux protéger les Français les plus fragiles’. ‘Nous garantirons une pension minimale de 1000 euros nets par mois pour une carrière complète au Smic’, a indiqué Edouard Philippe. En outre, ‘le minimum de pension sera garanti par la loi à 85% du Smic. Des points seront alloués pour compenser des périodes de chômage et de maladie. Chaque heure travaillée permettra d’accumuler des points’.

Le projet prévoit en outre que les pensions soient désormais indexées sur les salaires, partant du principe que ce fonctionnement serait plus avantageux que l’indexation sur l’inflation. Il s’appuie sur l’évolution récente, qui montre une hausse plus forte des salaires que de l’inflation. 

L’évolution des salaires vs celle de l’inflation depuis une décennie. − Gouvernement/source INSEE

Le chef du gouvernement a en outre confirmé que les hauts salaires feront l’objet, au nom de la solidarité, d’une surcotisation à au-delà des 120.000 euros par an. 

Une ‘règle d’or’ sur la valeur du point

Edouard Philippe a confirmé que la réforme s’accompagnerait d’une garantie pour tous, à savoir une sanctuarisation de la valeur du point, qui aura ‘la même valeur pour tous les Français’. Celle-ci ne pourra pas baisser au cours du temps. Une loi devra consacrer cette ‘règle d’or’. 

La valeur du point sera fixée par les partenaires sociaux. Le principe est que chaque heure cotisée permettra d’acquérir des points. Selon le dossier de presse fourni par le gouvernement, le scénario pourrait être celui d’un rendement du point égal à 5,5% pour un assuré partant à taux plein. 

En outre, les pensions resteront revalorisées selon les prix ‘afin de garantir le pouvoir d’achat des retraités’, selon les précisions du gouvernement. 

Le calendrier de la réforme

Edouard Philippe a appelé mercredi les présidents d’entreprises publiques à ‘engager le dialogue avec les organisations syndicales afin que les grèves s’arrêtent’. 

Le projet de loi portant la réforme des retraites sera prêt ‘à la fin de l’année’, et présenté en conseil des ministres le 22 janvier, en vue d’un débat au Parlement fin février 2020. Le texte de loi ‘renverra à des ordonnances et des décrets les précisions sur les transitions. Le dialogue social continuera pour en préciser les modalités’.