Télétravail : les salariés peuvent se voir privés de tickets-restaurants

Revue de Presse

Source : lefigaro.fr (17 mars 2021 )

Une décision de justice rendue le 10 mars exempt les employeurs de cette obligation, car leurs salariés n’ont plus à déjeuner hors de leur domicile.

Quelle législation encadre les tickets-restaurant ?

Aucun texte de loi n’encadre précisément cette question, et les juges ont rendu une décision inédite pour ce cas précis, en estimant que rien n’obligeait cette entreprise à accorder des titres-restaurants à leurs salariés qui peuvent déjeuner à domicile.

Dans le cas de Malakoff Humanis, une partie des salariés a été placée en télétravail au début de la crise sanitaire, et une autre a continué à travailler sur le site. Les premiers se sont vus retirer leurs titres-restaurants, quand les seconds ont pu continuer à profiter de leur cantine d’entreprise. L’article 4 de l’accord national interprofessionnel relatif au télétravail du 19 juillet 2005 précise pourtant que « les télétravailleurs bénéficient des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que ceux applicables aux salariés en situation comparable travaillant dans les locaux de l’entreprise.» Mais c’est cette notion de « situation comparable» entre les salariés au bureau et leurs collègues en télétravail qui a motivé la décision des juges.

Est-ce une obligation légale?

« Le titre-restaurant est un avantage consenti par l’employeur qui ne résulte d’aucune obligation légale», a d’abord rappelé le tribunal de Nanterre. Les juges ont ajouté qu’il n’était « pas contestable» que les télétravailleurs bénéficient de titres-restaurants, mais seulement si leurs conditions de travail étaient équivalentes à ceux travaillant sur site sans restaurant d’entreprise. Or l’objectif du titre-restaurant est précisément de « permettre à ses salariés de faire face au surcoût lié à la restauration hors de leur domicile», explique le tribunal de Nanterre, qui a jugé qu’en l’absence de ce surcoût, l’entreprise n’avait pas à distribuer de titres-restaurants à ses salariés.

Cette décision ne va pas dans le sens des recommandations du gouvernement à télétravailler au maximum durant la crise sanitaire, comme le note l’avocat en droit du Travail Eric Rocheblave. « Le tribunal de Nanterre est allé à l’inverse des positions de l’Urssaf et du ministère du Travail , qui considèrent tous les deux que les télétravailleurs doivent bénéficier de ces titres-restaurants au même titre que les salariés au bureau, explique l’avocat. Deux institutions étatiques sont donc contre cette décision de Nanterre, on peut y voir la position du gouvernement qui veut encourager au maximum le télétravail, c’est très lié au contexte.»

Le cas de Malakoff Humanis peut-il faire jurisprudence ?

N’importe quelle entreprise pourra-t-elle désormais priver ses télétravailleurs de titres-restaurants ? C’est bien possible. « La Cour d’Appel de Nîmes avait déjà statué en 2012 qu’une entreprise n’était pas obligée de distribuer des titres-restaurants à ses salariés qui habitent à moins de 10 minutes de leur entreprise», poursuit Eric Rocheblave. Et Kevin Bouleau, avocat en droit du Travail à Paris, d’ajouter que la Cour d’Appel de Riom avait également jugé en 2018 que les salariés en télétravail ou au bureau n’étaient pas « dans une situation comparable». Les entreprises pourraient donc se fonder sur ce « courant de jurisprudence» pour retirer aux télétravailleurs leurs titres-restaurants, estime Eric Rocheblave.