Source : lemondedudroit.fr (6 mars 2015)
Le TUE a confirmé que la réforme du financement des retraites des fonctionnaires rattachés à France Télécom après sa transformation en société anonyme constitue une aide d’Etat compatible uniquement sous les conditions fixées par la Commission.
Une loi française du 26 juillet 1996 a transformé France Télécom en société anonyme pour préparer sa cotation en bourse, l’ouverture d’une partie de son capital ainsi que l’ouverture totale de l’entreprise à la concurrence. À cette occasion, le système de financement des retraites des fonctionnaires publics rattachés à France Télécom a été modifié. Ainsi, la contribution employeur versée par France Télécom à l’Etat français pour financer les retraites des fonctionnaires a été fixée au même niveau que les cotisations sociales et fiscales dues par les concurrents opérant dans le secteur des télécommunications. Cette égalisation, traduite sous la forme d’un « taux d’équité concurrentielle », ne prenait toutefois en compte que les risques communs aux salariés privés et aux fonctionnaires publics à l’exclusion des risques non communs (comme notamment le chômage et les créances des salariés en cas de liquidation judiciaire). Par ailleurs, France Télécom a versé une contribution forfaitaire exceptionnelle de 37,5 milliards de francs (5,7 milliards d’euros) pour faire face à la charge des futures retraites.
Par une décision du 20 décembre 2011, la Commission européenne a déclaré cette mesure de financement compatible avec le marché intérieur, mais sous certaines conditions. Elle a relevé que la mesure en cause était une aide d’Etat, étant donné qu’elle réduisait la contrepartie octroyée jusqu’alors par France Télécom à l’Etat français aux fins du financement des retraites des fonctionnaires. Par ailleurs, cette aide d’Etat ne respectait pas le principe de proportionnalité, dans la mesure où la contrepartie financière versée par France Télécom en faveur de l’Etat n’égalait pas les charges sociales dues par les concurrents de France Télécom.
La Commission a alors demandé à la France de modifier la loi de 1996 afin de prendre en compte les risques non communs aux salariés privés et aux fonctionnaires publics.
La République française et France Télécom ont demandé au Tribunal de l’Union européenne (TUE) d’annuler la décision de la Commission européenne, au motif que la réforme du mode de financement en cause n’était pas constitutive d’une aide d’Etat et que, à supposer que ce soit le cas, la Commission n’était pas fondée à exiger la prise en compte des risques non communs aux salariés privés et aux fonctionnaires publics.
Dans ses arrêts du 26 février 2015, le Tribunal de l’Union européenne a confirmé que la France avait octroyé à France Télécom (devenue Orange) une aide d’Etat, compatible avec le marché intérieur aux conditions prévues par la Commission européenne et, par conséquent, rejeté les recours de la République française et de France Télécom (devenue Orange).
Le TUE a relevé qu’en réduisant les charges sociales, la loi de 1996 avait amélioré la situation juridique de France Télécom par rapport au régime précédent et a donc généré un avantage au profit de cette dernière. En outre, l’avantage conféré à France Télécom était bien sélectif, puisque la loi de 1996 ne concernait que cette société.
Le TUE a estimé que la Commission avait dûment conclu que la réforme de 1996 faussait ou menaçait de fausser la concurrence sur les marchés des services de télécommunications, dans la mesure où les ressources financières libérées par la loi de 1996 avaient pu favoriser le développement des activités de France Télécom sur des marchés nouvellement ouverts à la concurrence, que ce soit en France ou dans d’autres États membres.
Par ailleurs, la Commission a pu considérer à bon droit que le nouveau système de financement des retraites ne permettait pas d’atteindre un taux d’équité concurrentielle, étant donné que le taux appliqué à France Télécom n’intégrait que les cotisations correspondant aux risques communs entre les employés de droit privé et les fonctionnaires de l’État et, de ce fait, excluait les cotisations correspondant aux risques non communs.
Enfin, le Tribunal a déclaré que, même si la contribution forfaitaire exceptionnelle avait permis de diminuer les effets négatifs de l’aide, il ne pouvait pas en être déduit de façon automatique que les contreparties versées par France Télécom avaient nécessairement assuré une équité concurrentielle.