Source : entreprises.ouest-france.fr / 6 juillet 2015)
Le livre ne compte que 77 pages mais il fait parler de lui. Parce qu’il aborde un sujet politiquement sensible. Parce que ses conclusions sont saluées par les plus libéraux. Parce que l’un de ses auteurs, infatigable avocat de l’humanité, est une figure du socialisme français. Parce qu’on n’attendait pas celui qui fut naguère président du Conseil constitutionnel sur le terrain de ce droit social jugé inadapté à l’économie contemporaine. Voire défavorable à la croissance et à l’emploi.
« Depuis quarante ans, la France souffre d’une grave maladie sociale : le chômage de masse », assènent Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen en citant « le chiffre effrayant de 6 millions de personnes qui ne bénéficient pas, en France, d’un travail à temps plein, d’un salaire régulier ni de tous les avantages légaux de la protection sociale ».
Complexité juridique
Pour ces juristes, cependant, « on ne peut reprocher aux gouvernements successifs d’être demeurés inertes ». Certes pas. Découragés parfois. Mitterrand, un jour de désarroi, n’a-t-il pas soupiré : « Contre le chômage, on a tout essayé… »
Eh bien non, répondent les polémistes qui déplorent notamment qu’une vision d’un droit du travail perçu « comme une forêt trop obscure et hostile » joue contre « le recrutement de salariés complémentaires dans les petites et moyennes entreprises ». Ces PME et TPE (très petites entreprises) représentent, observe l’Insee, 48,7 % de l’emploi salarié. Et « elles ont été les seules créatrices d’emploi net ces récentes années », plaide François Asselin, le président de la CGPME, leur organisation patronale.
Afin de lutter contre cette complexité juridique nuisant à l’intelligibilité des règles – « le droit du travail se confond avec son Code » -, Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen repensent le contrat de travail. Comment ? En extrayant du droit actuel ses lignes directrices ou, mieux, ses principes. Ils en détaillent cinquante qui sont autant d’articles d’un Code revisité.
Au chapitre de la formation et de l’exécution, « le contrat à durée indéterminée est la forme normale de la relation de travail ». Néanmoins, « le contrat à durée déterminée permet de répondre aux besoins temporaires de l’entreprise ».
Quant à la durée du temps de travail, elle est établie « par les conventions et accords collectifs et, à défaut, par la loi ». Plus question des 35 heures légales.
Enfin, les essayistes reviennent sur la distinction entre petites et grandes firmes. Dans les premières, « le droit du travail pourrait être circonscrit à ces principes ». Dans les secondes, ces fameux principes « constitueraient le droit étatique applicable ».
Critique et déçue par « un petit ouvrage sans audace », la CGT explique qu’en partant du chômage de masse, « les auteurs n’échappent pas à un amalgame dont le Medef a su se saisir : la complexité du Code du travail serait un frein à l’embauche ».
Moderniser, moderniser
Reste qu’un économiste proche du PS, Gilbert Cette, prépare, avec l’avocat Jacques Barthélémy, un rapport sur la réforme du droit du travail pour Terra Nova. Le think tank (laboratoire d’idées) de gauche condamne, lui aussi, la complexité du droit du travail.
Un argument certainement repris par le conseiller d’État Jean-Denis Combrexelle. Le Premier ministre l’a chargé d’étudier la modernisation du modèle social français. Et de lister des propositions dès septembre. Moderniser, réformer. Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen ne disent pas autre chose. Ce dernier siège d’ailleurs dans la Commission Combrexelle.