Orange Bank : disruptif ou esbroufe ?

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Source : lesechos.fr (29 juin 2016)

Début 2016, Orange annonce son entrée au capital de Groupama Banque à hauteur de 65 %. L’objectif : lancer l’offre bancaire « 100 % mobile » Orange Bank. Passée la surprise de l’annonce, que retenir de l’offensive d’Orange dans les services financiers ?

Ce que nous savons pour l’instant : Orange se positionne sur le mobile banking, souhaite couvrir le spectre complet d’opérations bancaires (compte courant, épargne, crédit, assurance et paiement), et vise 2 millions de clients d’ici 10 ans.

Orange, des percées déjà significatives dans les FinTechs

Ayant identifié la diversification comme levier de croissance, les télécoms ont multiplié les tentatives FinTech, parfois avec fracas. En 2011, Orange, Bouygues Telecom et SFR s’associent avec Atos Origin afin de mettre en place un système de paiement en ligne capable de rivaliser avec PayPal : Buyster. Faute de succès (200 sites e-commerce partenaires contre 30 000 prévus), le projet est abandonné trois ans après.

De même en 2014, SFR abandonne sa carte de paiement NFC rechargeable, après deux années laborieuses (communication opaque, peu d’enseignes partenaires, modalités de chargement laborieuses).

Orange demeure jusqu’à présent le seul acteur ayant tiré son épingle du jeu. Surprenante au premier abord, on remarque une réelle logique dans cette stratégie de diversification : complexifier sa palette de service pour s’installer sur le marché du mobile banking.

Les diverses percées d’Orange revêtent plusieurs enjeux :

– Se positionner comme une alternative bancaire en Afrique (15 millions d’utilisateurs et 50 MEUR, CA en 2014 pour Orange Money).

– Devancer les géants du web arrivant à grands pas sur le marché du paiement mobile grâce à Orange Cash. Le service, balbutiant en France, rencontre un obstacle de taille : Apple interdit son utilisation sur iPhone, arguant un conflit avec Apple Pay et aliénant une importante clientèle potentielle pour l’opérateur.

– Tester une offre bancaire complexe en s’appuyant sur une banque locale. Avec 200 000 clients en un an, Orange Finanse a conforté l’opérateur dans sa volonté de développer le modèle en France.

Les challenges Orange Bank

Sur le papier, le pari d’Orange semble prometteur : l’opérateur maîtrise le mobile et ses problématiques, dispose d’une marque forte, possède un réseau physique important, et s’appuie sur un acteur bancaire reconnu.

Cependant, afin de pouvoir atteindre son objectif de 2 millions de clients, Orange devra adresser plusieurs challenges. Le premier : inspirer confiance. Même si la notoriété de Groupama Banque est acquise, la visibilité des services bancaires Orange reste minime en France. Le manque de légitimité de l’opérateur en tant que banque peut être un frein majeur, notamment à cause de l’image négative perçue par les consommateurs quant à la qualité de service des télécoms.

Orange devra par ailleurs garantir multicanalité et instantanéité, notions propres au mobile banking, mais jusque-là sous-exploitées chez Groupama Banque. S’impose dès lors l’importance d’une consolidation des SI agiles, ainsi qu’une exploitation pertinente des bases clients Orange (30M) et Groupama Banque (500 000 pertinente).

Enfin, dans un secteur concentré et ultra compétitif, Orange Bank devra prouver que son offre est disruptive, tant sur le fond que sur la forme. Le know-how financier d’Orange lui permettra-t-il de proposer une palette de service extensible ? Au vu de l’avancée d’Orange sur le NFC depuis 2009, une carte bancaire sera-t-elle proposée malgré l’adoption timide de la technologie en France ? Des agences physiques seront-elles mises à dispositions des clients même pour une offre « 100 % mobile » ? Auquel cas, comment articuler un parcours client fluide et cohérent ?