Burn-out, bore-out et maintenant brown-out !

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Source : lepoint.fr (21 octobre 2016)

Après le surmenage puis l’ennui mortifère, voilà que l’absurdité de certaines tâches surgit dans le monde du travail sous la forme d’une pathologie.

À ce rythme, il y aura bientôt de quoi faire un Petit Larousse illustré des maladies au travail ! Le milieu professionnel accouche régulièrement de nouveaux syndromes qu’il convient chaque fois d’étiqueter à l’anglaise avec une terminaison identique en « -out », comme pour signifier l’abandon. La toute dernière création, baptisée brown-out, que l’on doit à aux chercheurs britannique et suédois, Andre Spicer et Mats Alvesson, ne déroge d’ailleurs pas à la règle. Ils s’inspirent des recherches de l’anthropologue américain David Graeber qui dénonçait la multiplication des « bullshit jobs » (boulots de merde) en 2013. Soit des activités sans le moindre intérêt, dont on ne voit jamais la finalité, et où de jeunes diplômés supposément perdent leur éclat et leurs illusions… Les deux chercheurs y ajoutent un élément éthique dans leur ouvrage The Stupidity Paradox.

Le brown-out (littéralement « baisse de courant ») ferait entrer en opposition l’éthique personnelle d’un salarié avec les tâches professionnelles qu’il lui est donné d’accomplir : le brown-out viendrait de l’impression qu’a l’exécutant d’ajouter aux malheurs du monde. On imagine volontiers un employé pacifiste de Smith&Wesson, contribuant malgré ses convictions à la fabrication d’armes à feu.

En quête de reconnaissance

Le bore-out implique pour celui qui en souffre un sentiment d’inutilité résultant d’une absence d’occupation. En 2015, les prud’hommes avaient la lourde responsabilité de juger le premier cas de ce genre. Frédéric Desnard, 44 ans, avait été licencié, alors qu’il était en arrêt maladie depuis sept mois après un accident de la route à la suite d’une crise d’épilepsie. Selon lui, la crise avait été causée par « l’ennui au travail ». Un cas passablement compliqué que les sages avaient alors jugé prudent de renvoyer à un juge professionnel. L’affaire est donc en suspens.

Plus connu, car plus ancien, le burn-out, plus formellement nommé « syndrome d’épuisement professionnel ». Lui se caractérise comme un « état d’épuisement physique, émotionnel et mental lié à une longue exposition à des situations exigeant une implication émotionnelle importante », selon la définition fournie par le ministère du Travail en 2015.

L’ancien ministre socialiste de l’Éducation nationale, Benoît Hamon a déposé en 2016 une proposition de loi à l’Assemblée nationale française pour faciliter la reconnaissance des cas de burn-out en France, à défaut de pouvoir faire véritablement entrer le syndrome d’épuisement au tableau des maladies professionnelles. Là encore, l’Assemblée n’a pas encore examiné le texte. Il semble que l’exécutif n’y est guère favorable…