Avant la présidentielle, les lamentations des télécoms

Revue de Presse

Source : latribune.fr (14 décembre 2016)

Lors de la publication de son étude annuelle sur la santé du secteur, la Fédération française des télécoms (FFT) a dressé le portrait d’une industrie au bord de la « rupture ». Pour le lobby, l’objectif est clair : décrocher les faveurs du prochain locataire de l’Elysée.

Pour lui, rien ne va plus. Régis Turrini, le président de la Fédération française des Télécoms (FFT), le lobby du secteur, a dressé ce mardi un portrait alarmant de l’état de cette industrie dans l’Hexagone. Aux yeux du chef de file de ce lobby, « on est arrivé à une forme de point de rupture ». Pourquoi ? Parce qu’à l’en croire, « c’est difficile de continuer à investir et de fournir des services sur tout le territoire : on déploie toujours plus d’infrastructures en payant plus d’impôts alors que les prix, eux, n’arrêtent pas de baisser ». Des lamentations qui, en pleine campagne présidentielle, ressemblent à un appel du pied aux « prochains gouvernants ». Lesquels, il l’espère, se rangeront du côté des industriels.

Pour illustrer les difficultés du secteur, Régis Turrini s’est appuyé sur l’étude annuelle du secteur publiée par la FFT, et réalisée par le cabinet de conseil Arthur D. Little. L’occasion de dégainer un premier chiffre choc : en 2015, hors achats de fréquences, les opérateurs français ont investi 7,8 milliards d’euros, soit 22% de leur chiffre d’affaires, contre 7 milliards l’année précédente. Des montants aussi « considérables » qu’indispensables, rappelle Régis Turrini. « Les investissements, c’est le fondement du métier. Si vous n’investissez pas, vous en subissez immédiatement les conséquences en termes de qualité de réseau […], et donc en termes de pertes de clients et de baisse de chiffre d’affaires », affirme le président de la FFT. Régis Turrini sait de quoi il parle. Il est aussi secrétaire général de SFR. Depuis que l’opérateur au carré rouge a été racheté par Numericable et Patrick Drahi fin 2014, il a perdu plus de deux millions de clients. La faute, notamment, à un réseau dégradé après une interruption des investissements dans le réseau.

« Un abonnement 4G au prix d’un café » ?

Le problème, relève Régis Turrini, c’est qu’en parallèle de ces dépenses liées aux déploiements de nouvelles antennes ou de raccordements des foyers à la fibre, les revenus du secteur ont dégringolé. Depuis l’arrivée Free Mobile et de ses offres à prix cassés en 2012, le secteur est plongé dans une guerre des prix. En témoigne, par exemple, les multiples promotions de Noël des opérateurs.

« Pour le prix d’un café, aujourd’hui, vous avez un abonnement 4G avec appels illimités et 20 gigas de data tous les mois, constate Régis Turrini. Mais derrière, il y a des infrastructures… Les télécoms, c’est quand même une industrie très lourde. Mais cette industrie, elle n’est pas véritablement payée. »

Dans ce contexte, certaines « spécificités » françaises « ne vont pas dans le bon sens », juge le patron de la FFT. Une, en particulier, concentre les attaques du lobby : la fiscalité. L’argumentaire est bien rôdé : l’impôt sur les sociétés des opérateurs télécoms est passé de 2 milliards d’euros à 1 milliard d’euros de 2012 à 2015. Ici, la FFT ne relève rien d’anormal puisque le secteur a gagné moins d’argent. Le problème, d’après elle, c’est que sur cette période, la fiscalité spécifique des opérateurs de télécommunications est restée à 1,2 milliard d’euros par an. D’après le lobby, ces prélèvements devraient a minima être corrélés à la baisse d’activité. Pour les opérateurs, il s’agit d’un sujet de crispation récurrent. C’est la raison pour laquelle la FFT a tout fait, en octobre dernier, pour s’opposer à une nouvelle augmentation de la taxe télécoms pour financer l’audiovisuel public.

Certains impôts « sont des paradoxes »

Pour Régis Turrini, certains impôts « sont des paradoxes en soi ». Il cite notamment la taxe Ifer (Imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux), qui vise les antennes. Avec cette mesure, « plus vous investissez, plus vous payez de taxes ! », s’étrangle le président de la FFT, qui espère obtenir « un plafonnement » de cet impôt. Mais « pas sûr qu’on y arrive », étant donné que le gouvernement le considère comme « une ressource très dynamique », ironise-t-il.

A travers cet exemple, la FFT estime que les pouvoirs publics ont leur part de responsabilité dans les difficultés des opérateurs. « Comme on est obligé d’investir et que les revenus stagnent ou baissent, il y a un problème au niveau de l’Ebitda, estime Régis Turrini. Cela se concrétise par un effort considérable sur la productivité et sur des pertes d’emplois. » Le secteur a en effet beaucoup taillé dans ses effectifs ces dernières années. Une tendance qui se poursuit : SFR a récemment prévu de supprimer 5.000 postes, soit un tiers de ses troupes. Autant d’arguments que la FFT espère mettre à profit pour décrocher les faveurs du prochain président.