Pour l’Arcep, la convergence entre les télécoms et les médias menace les réseaux

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Source : latribune.f (30 janvier 2017)

Dans une interview au Financial Times, Sébastien Soriano, le président de l’Arcep, le régulateur français des télécoms, s’inquiète que l’intérêt des SFR ou Orange pour les médias ne freine leurs investissements dans la 4G et la fibre.

Décidément, l’Arcep, le régulateur des télécoms, attaque 2017 sur les chapeaux de roues. Après avoir jeté un pavé dans la mare en affichant sa volonté de réguler Orange dans la fibre, Sébastien Soriano, son président, critique désormais les ambitions des opérateurs français dans les contenus. En clair, il considère que la volonté de certains acteurs d’étoffer leurs catalogues de films, de séries ou d’événements sportifs pourrait nuire aux investissements dans l’Internet à très haut débit. C’est-à-dire au déploiement des réseaux 4G et en fibre optique.

Ce dimanche, le président de l’Arcep a fait part de son inquiétude au Financial Times :

« Si les opérateurs de télécommunications investissent massivement dans les contenus, il y a un grand risque que cela nuise aux développements des réseaux. »

Cette charge vise directement SFR, dont le chef de file, Patrick Drahi, a fait de la convergence entre les médias et les télécoms l’atout numéro un pour retrouver la confiance des clients. Depuis plusieurs mois, l’opérateur au carré rouge dépense des centaines de millions d’euros pour étoffer son offre de journaux et chaînes de télévision (Libération, L’Express, BFM-TV, RMC…), de cinéma et de divertissement (exclusivité des chaînes NBCUniversal ou Discovery) ou de sport (Premier League, rugby anglais, athlétisme français…). Au point d’être entré, sur ce dernier créneau, en concurrence frontale avec Canal+ et BeIn Sports.

Orange lorgne Canal+

L’autre cible des critiques de l’Arcep est Orange. Face à l’appétit de SFR dans les contenus, le leader des télécoms françaises ne compte pas se laisser faire. C’est sans doute la raison pour laquelle Stéphane Richard, le PDG de l’opérateur historique, s’intéresse beaucoup à Canal+. En décembre dernier, le grand patron a officiellement affiché son intérêt pour la filiale de Vivendi : « Si demain matin, Canal+ était à vendre, c’est certain qu’Orange s’y intéresserait. Evidemment », a-t-il lâché d’après l’agence Reuters.

Face à cet appétit, Sébastien Soriano souhaite que Orange et SFR lui disent clairement que les réseaux sont leur priorité. « Je préférerai que les opérateurs affichent clairement leur souhait d’investir dans la fibre, dans la 4G, dans la 5G, plutôt que d’évoquer en permanence les contenus », dit-il au FT. Ce qui ne manque pas sel, puisque quelques jours auparavant, Orange et SFR ont tous deux communiqué à ce sujet ! L’opérateur historique a indiqué s’être associé avec l’équipementier suédois Ericsson pour développer la 5G. Quant à SFR, ses responsables ont martelé, lors d’une conférence de presse, qu’ils investissaient désormais beaucoup dans les réseaux. Mais surtout, qu’ils souhaitaient en faire davantage dans la fibre.

La hantise d’un duopole

Sur le fond, le patron de l’Arcep milite pour que les opérateurs se différencient par leurs réseaux plus que par leurs portefeuilles de contenus. Pourquoi ? Parce qu’il craint que « si deux joueurs s’engagent dans une stratégie de différenciation par les médias », cette situation ne débouche sur un duopole. Or les duopoles sont le cauchemar de tout régulateur. « Ils sont très difficiles à réglementer », poursuit le patron de l’Arcep. Lequel appelle donc les opérateurs « à en rester là ». Pas sûr, toutefois, que Patrick Drahi et Stéphane Richard l’entendent ainsi…