Ces robots qui vont bouleverser le rapport de l’homme au travail

Revue de Presse

Source : sudouest.fr (27 mars 2017)

Humanoïdes ou collaboratifs, les robots vont être au coeur de la quatrième révolution industrielle. Mais, cette révolution soulève aussi de nombreux enjeux éthiques et sociétaux. Des experts sont venus en débattre il y a quelques jours à l’école Arts et Métiers ParisTech de Bordeaux

Un robot d’apparence humaine en guise de vendeur, de collègue de bureau, d’usine ou de membre d’un conseil d’administration. Ces scénarios ne relèvent plus désormais de la science fiction, mais de la réalité.

Selon la Fédération internationale de la robotique (IFR), il y a aurait un peu plus de 12 millions de robots dans le monde aujourd’hui.

Quand les robots débarquent dans les conseils d’administration

Ainsi, le géant Nestlé a récemment acheté 1 000 robots Pepper pour vendre des machines à café et des capsules au Japon. Des robots,dotés d’une intelligence artificielle très poussée, qui ont pour particularité d’apprendre et de reproduire des émotions humaines. A tel point, qu’à Hong-Kong, un robot a été nommé sixième membre du conseil d’administration d’une société d’investissement Deep Knowledge Venture pour évaluer la viabilité d’un projet. Il a même un droit de vote.

Les robots collaboratifs, une rupture technologique

Car, une rupture technologie a été franchie, avec l’avènement des robots collaboratifs, ou “cobots” (contraction de “robots” et de “collaboratif”). Leurs prédécesseurs étaient imposants et enfermés dans leur cage pour des raisons de sécurité. « A l’inverse, ceux-ci sont conçus pour travailler avec les humains et ne nécessitent plus de cage de protection », souligne Jérôme Laplace, directeur des sociétés bordelaises HumaRobotics et Génération Robots. Ces robot sont désormais capables de prendre un objet, de le donner à un humain, et disposent également de caractéristiques d’apprentissage.

Conséquence, les domaines d’application sont multiples et dépassent le strict cadre de l’industrie. « La robotique d’assistance va monter en puissance, dans les véhicules autonomes, dans l’éducation… », indique, à titre d’exemple, Pierre-Yves Oudeyer, directeur de recherche à l’INRIA Bordeaux. Mais, « il faudra s’habituer à ce qu’il y ait des erreurs des robots dans la voiture autonome », prévient Olivier Ly, enseignant-chercheur au LaBRI à Bordeaux. Ce qui suppose de poser un cadre législatif sur les questions de responsabilité en cas d’accident. D’autant plus, que « des problèmes de cybersécurité vont se poser », alerte Bernard Claverie, directeur de l’école nationale supérieure de cognitique, basée à Talence (33).

Quel impact sur l’emploi ?

Selon deux études menées par les cabinets de conseil Berger et Gartner, trois millions d’emplois seraient menacés en France par les robots d’ici 2025 et un emploi sur trois sera remplacé par un robot ou une machine intelligente dans le monde, d’ici à 10 ans.

En réalité, « le robot libère l’Homme des tâches répétitives, pénibles dans les usines (vissage, dévissage, amener des produits sur un chariot). Il nous permet d’augmenter notre productivité et de concentrer les efforts de notre personnel sur des tâches plus créatives », explique Fabien Siguier, DRH au niveau international de la branche systèmes thermiques à Valeo. Le groupe, qui compte 91 800 collaborateurs dans le monde et 155 usines, investit aujourd’hui massivement dans les robots collaboratifs.

Mais, cette robotisation détruit-elle des emplois ? « Non, en Europe de l’Est, en raison de la faible démographie, nous manquons de main d’oeuvre et les robots nous aident à développer nos usines sur place », explique-t-il. Paradoxalement, la robotisation pourrait aussi être un moyen de freiner la délocalisation des entreprises. En France, ils nous permettent de faire baisser les coûts de production et donc de maintenir des emplois et d’en créer davantage demain », souligne Fabien Siguier.

Une révolution à accompagner par la formation

Il n’empêche, cette transformation ne se fera pas sans heurts. Le processus industriel dans lequel robots à taille humaine et hommes partagent le travail ne se fera pas sans une redéfinition du service et du rôle de l’humain. « Cela suppose d’accompagner l’arrivée de ces robots, de former le personnel à collaborer avec, et de préparer nos étudiants à ces changements », insiste Philippe Viot, Directeur Arts et Métiers ParisTech de Bordeaux.

D’ailleurs, l’IFR a montré, à travers plusieurs rapports, que les pays les plus robotisés comme le Japon, la Chine ou l’Allemagne sont aussi ceux qui ont le mieux préservé les emplois dans leur industrie. Chaque robot installé dans une usine créerait deux ou trois emplois supplémentaires, selon le même organisme qui table sur plus de 3,5 millions de postes créés d’ici 2025. L’Allemagne compte par exemple quatre fois plus de robots que la France, et pourtant, elle a beaucoup moins de chômeurs. Au final, des métiers disparaîtront et de nouvelles professions verront le jour.

Estimé à 17 milliards d’euros, le marché de la robotique pourrait atteindre les deux cents milliards en 2023, selon l’IFR.