Interdiction du voile en entreprise : la Cour de cassation pose ses conditions

Revue de Presse

La Cour de cassation a rendu ce mercredi un arrêt confirmant qu’une entreprise privée peut interdire le port de signes religieux aux salariés en contact avec les clients, à condition de l’inscrire dans son règlement intérieur.

Une entreprise peut licencier une salariée au contact de clients parce qu’elle a refusé d’ôter son voile. Mais elle ne peut le faire que si elle a au préalable édicté une règle écrite générale de neutralité dans son règlement intérieur. Telle est, en substance, la décision qu’a rendue ce mercredi la Cour de cassation sur l’affaire Micropole.

Ce jugement de la haute juridiction était attendu sur le sujet très sensible du fait religieux au travail. La question a été tranchée pour le service public, y compris assuré par des entreprises privées, avec l’ affaire de la crèche Baby Loup . L’arrêt de ce mercredi vient apporter une pierre à l’édifice jurisprudentiel en construction sur le secteur purement privé en se prononçant sur le licenciement d’une salariée d’une SSII, Micropole.

L’ingénieure concernée avait toujours porté le voile au travail, mais lorsqu’un client a refusé son intervention, son employeur lui a demandé de le retirer. Elle a refusé de le faire. Il s’est ensuivi un licenciement contesté en justice. Ayant perdu en appel, la salariée s’était pourvue en cassation où elle a eu gain de cause, car rien n’était prévu dans le règlement intérieur de Micropole.

 

«  Clause de neutralité »

 

Il ne faut pas mésinterpréter la portée de l’arrêt de la Cour de cassation car elle n’exclut pas une interdiction du port de signes religieux par l’employeur, dans la lignée de la  décision rendue en mars par la Cour de justice de l’Union européenne , qu’elle avait elle-même saisie. L’employeur  «  peut prévoir dans le règlement intérieur de l’entreprise […] une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause générale et indifférenciée n’est appliquée qu’aux salariés se trouvant en contact avec les clients », écrivent les juges. Ce que Micropole n’a pas fait  : il a interdit par  «  oral » à son ingénieure de porter le foulard islamique chez les clients,  «  visant par là [de surcroît] un signe religieux déterminé ».

Cette référence au règlement intérieur est d’autant plus importante que la loi El Khomri a prévu la possibilité d’introduire un principe de neutralité et de restreindre  «  la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché ». Attention toutefois  : pour l’heure, la Cour de cassation ne l’a validé que pour les salariés en contact avec les clients.

Elle a aussi averti que, pour ceux-ci,  «  il appartient à l’employeur de rechercher si, tout en tenant compte des contraintes inhérentes à l’entreprise et sans que celle-ci ait à subir une charge supplémentaire, il lui est possible de proposer à la salariée un poste de travail n’impliquant pas de contact visuel avec ces clients, plutôt que de procéder à son licenciement ». LCL ne l’avait pas fait, donnant lieu à un  arrêt de la Cour de cassation sur le sujet le 12 juillet dernier.

 Source : lesechos.fr (22 novembre 2017)