Source : .agoravox.fr(6 mars 2019)
L’association Fnath qui défend les victimes du travail a appelé les personnes handicapées à témoigner dans le cadre du Grand débat. Trois thématiques essentielles se dégagent. Le pouvoir d’achat, la question de la santé au travail qui n’est toujours pas satisfaisante et un fort sentiment d’exclusion.
Réindexer les pensions et rentes
Un thème émerge : la moitié des doléances portent sur le pouvoir d’achat et la revalorisation des rentes et pensions qui, comme les retraites, a été réduite : 0,3 % seulement en 2019 et 2020. Soit bien en deçà de l’inflation. De nombreuses personnes qui ont témoigné réclament la réindexation des rentes et pensions sur le coût de la vie. Le retrait de la CSG des petites rentes et pensions fait aussi partie des demandes. Pour rappel, le gouvernement a annoncé que la CSG allait repasser à 6,6 % pour les revenus en dessous de 2 000 euros. Il existe déjà des taux réduits et des exonérations en fonction des ressources. Les rentes et le capital versés aux personnes victimes d’accidents du travail ou de maladie professionnelle sont exonérées de CSG et d’impôt.
Santé au travail
La santé au travail (10,37%) et la réinsertion professionnelle (7,5%) arrivent naturellement en deuxième et troisième sujet de préoccupation des participants. Beaucoup dénoncent en particulier le manque d’implication des entreprises à rechercher un reclassement et le recours trop systématique au licenciement pour inaptitude quand on est malade. Inaptitude facilitée par la dernière réforme. La plupart cite de grandes difficultés à faire reconnaître leur maladie devant les caisses de Sécurité sociale et les employeurs.
Pas assez handicapé
Les troubles muscullo-squelettiques (TMS) sont toujours dénoncés comme des maladies très invalidantes, très mal reconnues, très mal indemnisées, et rendant la reprise d’un travail quasi impossible. De nombreux intervenants demandent toujours une vraie reconnaissance du burn-out en maladie professionnelle. J’ai travaillé durant 31 ans comme infirmière libérale, écrit cette femme : suite à un problème de santé, très douloureux, qui a engendré une impotence fonctionnelle, « je suis encore en arrêt de travail, indemnisée par ma caisse obligatoire mais plus par ma complémentaire qui ne me trouve pas assez handicapée. Je n’ai bénéficié d’aucune proposition de réinsertion professionnelle. C’est moi, et moi seul qui me suis payé des formations afin de de pouvoir reprendre une activité professionnelle à 60 ans… »
Les personnes handicapées décrochent
Pour les personnes qui ont accepté de témoigner, le système est devenu totalement illisible avec trop d’intervenants qui se renvoient la balle, des règlements qui s’enchevêtrent, s’annulent, se contredisent… Un service public de plus en plus lointain. Et, au milieu, des citoyens et des citoyennes qui ne sont plus convaincues que l’ancien Etat providence leur assure les revenus de remplacement, promis par la Constitution, et dont ils ont besoin à l’occasion d’un accident de la vie. De plus en plus, ils expriment leur colère, mais, surtout, leur désespoir. Un fort sentiment d’exclusion, de rejet, d’inutilité remonte.
Comment s’en sortir ?
« C’est une belle utopie que de croire que ce grand débat va changer quelque chose », constate cette participante. « Comment pouvons-nous nous en sortir aujourd’hui ? », s’inquiète une autre. « Ces revendications portées par les associations ou les organisations syndicales… sont bien connues des pouvoirs publics qui n’ont aucune volonté d’y répondre favorablement », lâche encore ce témoin. Cette ancienne aide à domicile énumère l’enchaînement de galères qui l’ont menée à la dépression : « opérée des deux épaules, carpien droit et carpien gauche, hernie au cervical, je n’arrivais plus à tenir mon travail. Aidons à vivre les gens qui ont travaillé, sué, souffert ! »
Réparer
Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, les témoignages les plus fréquents démontrent que les accidentés de la vie, et du travail, sont attachés au système patiemment mis en place depuis des décennies pour compenser et réparer les dommages qui leur ont été causés. Mais c’est le décalage entre ce système généreux qui reprend les fondamentaux de la Sécurité sociale, et la réalité qui alimente la colère et, pour beaucoup, le dépit. Surtout quand ils se comparent à ceux qu’ils estiment favorisés et qui ne jouent pas le jeu selon eux.