Orange quitte le W3C, le consortium qui fixe les règles du Web mondial

Revue de Presse

Source : lexpress.fr (10 avril 2019)

L’opérateur historique a discrètement choisi en début d’année de se retirer de cet organisme fondé par le père du Web, Tim Berners-Lee.

Un anniversaire et une séparation. L’année des trente ans du Web, l’opérateur de télécommunications Orange a décidé de cesser sa collaboration avec l’organisation chargée de son bon fonctionnement. Le World Wide Web Consortium (W3C) a été créé en 1994 par Tim Berners-Lee pour devenir un acteur clef de la Toile.  

Il a créé, par exemple, la manière d’élaborer des sites Internet pour qu’ils soient accessibles à l’identique sur n’importe quel terminal (ordinateur, tablette, smartphone…) et sur tous les navigateurs (Chrome, Firefox, Safari…). Le W3C s’occupe aussi de développer le système de protection des échanges de données sur le Web comme les codes secrets rentrés par les internautes pour accéder à leur banque en ligne ou leurs communications sur les messageries.  

Les Gafam et neuf opérateurs télécoms présents au W3C

‘Nous avons décidé en début d’année de ne pas renouveler notre cotisation au W3C et de recentrer nos engagements sur le coeur de notre métier [comme le très haut débit mobile avec la 5G NDLR] ‘, a indiqué un porte-parole d’Orange interrogé par l’Express. 

Depuis 14 ans, le groupe français comptait parmi les 451 membres de cet organisme au côté des géants du Net comme Google, Apple, Facebook, Amazon Microsoft (les Gafam) ou encore neuf opérateurs de télécommunications tels que AT&T ou Verizon aux Etats-Unis, China Mobile en Chine, NTT et KDDI au Japon, Deutsche Telekom en Allemagne.  

Avec cette décision, Orange cherche à se concentrer davantage sur les technologies des réseaux fixes et mobiles et se détourne du contenu qui voyage dans ses tuyaux. 

De son côté, le W3C n’a pas souhaité faire de commentaires sur le départ d’un de ses membres mais souligne que des ateliers sont justement organisés sur les réseaux : ‘Des sujets qui sont autant d’indicateurs de notre pertinence continue vis-à-vis des fournisseurs de services de télécommunication’  

‘Une faute majeure de stratégie’

Pour Benoît Thieulin, ancien président du Conseil national du numérique (CNNum), le W3C, comme d’autres organismes, reste très important. ‘ Il fait émerger des standards ouverts face aux tendances monopolistiques des Gafam’, estime-t-il. Mais le quadragénaire juge que le départ d’Orange n’affecte pas la parole de la France au sein du consortium. ‘L’entreprise a tenté de s’ériger en égal des Gafam alors qu’il est plus opportun de se recentrer sur la 5G. Par ailleurs, d’autres acteurs, l’institut de recherche l’Inria ou le moteur de recherche Qwant, restent présents’. 

L’entrepreneur français Tariq Krim ne partage pas ce point de vue. L’ancien vice-président du CNNum critique fortement la décision du groupe dirigé par Stéphane Richard. ‘Cette annonce est incompréhensible et une faute majeure de stratégie, estime-t-il. Le W3C est le dernier levier de souveraineté pour l’Europe mais également un instrument qui définit les usages et donc, les vainqueurs de demain’.  

L’une des dernières évolutions des pages Web est la possibilité de lire des vidéos sur YouTube, Netflix ou Amazon Prime Video directement dans un navigateur Internet sans avoir à télécharger de logiciel spécifique. Cette technologie permet aussi de pouvoir jouer en ligne, un des prochains terrains d’affrontement de Google de Microsoft et, sans doute, Amazon. Terrain sur lequel Orange ne sera plus présent.  

Contacté à plusieurs reprises, le cabinet de Cédric O, le nouveau secrétaire d’État au numérique, n’a pas répondu à nos sollicitations.