Ensemble, se relever d’un burn-out

Revue de Presse

Source : lacroix.com (28 avril 2019)

À Saint-Paul, en Haute-Vienne, la jeune association «  Au temps pour toi » a transformé un corps de ferme en un lieu de vie et de reconstruction pour celles et ceux qui traversent un burn-out.

Sur la table, deux coupelles pleines de pétales de camélia roses, souvenir d’une récente promenade dans la nature. Les conversations des six convives sont enveloppées par le fumet d’une soupe de lentilles au lait de coco et gingembre. «  C’est un précédent résident qui nous a transmis cette recette », se souvient François Rocher, 39 ans, dans un sourire.

Avec Jean-Baptiste Van Den Hove, 35 ans, il est cofondateur d’Au temps pour toi (1). À une vingtaine de kilomètres de Limoges (Les Gannes, commune de Saint-Paul), la jeune association a transformé un corps de ferme en un lieu de vie et de reconstruction pour celles et ceux qui traversent un burn-out.

Le mot désigne un mélange d’épuisement, d’angoisse et de dépression survenu suite à un don de soi excessif et prolongé, dans le monde du travail ou dans la sphère privée. Les deux fondateurs ont eux-mêmes connu l’épuisement psychique dans une vie précédente.

Reconstruire son image

Après que le burn-out a pulvérisé l’image qu’il se faisait de lui-même, Jean-Baptiste s’est reconstruit de façon inattendue  : quatorze mois passés auprès des jeunes toxicomanes de Saint-Jean-Espérance, dans l’Indre, et un an auprès des personnes ayant un handicap mental, à l’Arche (2) en Charente, lui ont fait vivre une expérience essentielle. «  Il y a dans le burn-out une proximité symbolique avec le phénomène de l’overdose, analyse-t-il, et la rencontre de notre fragilité défait nos restes de toute-puissance ; elle permet de réaliser que nous avons besoin de l’autre, que la relation fait vivre. »

En deux ans, une trentaine de personnes ont éprouvé la validité des intuitions des fondateurs  : repos, amitié, nature, vie intérieure, activités manuelles, dont le potager en permaculture… Chaque arrivant est invité à laisser son téléphone dans une boîte, d’où il ne sortira qu’entre 17 et 19 heures. Il reçoit aussi un bloc de papier à lettres  : le courrier à l’ancienne a des vertus oubliées !

Se sentir accueilli et soutenu

Christine, 56 ans, en arrêt maladie, est arrivée depuis moins d’une semaine. «  Moi qui suis très indépendante, je me sens bienvenue ici. C’est comme une maisonnée où chacun apporte un peu de lui. Et puis on y mange bio ! » Longtemps «  employée modèle » chez Orange, Christine a beaucoup pris sur elle. «  J’ai tenu le coup, je me suis raconté des histoires, mais vient un moment où il n’est plus possible de nier ses besoins », reconnaît-elle. Avant de monter se coucher, elle jette une boule de papier vers Nugget, le chat, aussi joueur que câlin. Avec Orson, l’un des chiens du domaine, il contribue activement à la bienveillance, un principe maison.

Demain à 9 h 30, on se retrouvera pour l’une des deux séances quotidiennes de méditation. Avec le déjeuner et le dîner, ce sont les repères de chaque journée. Mais rien n’est imposé ici.

Le lendemain, la méditation se trouve décalée  : Pierre-Antoine, un autre résident, a eu une insomnie. Directeur des ventes d’une start-up, le trentenaire est l’archétype du cadre brillant  : professionnel, engagé, recherché par les cabinets de chasseurs de têtes. En deux jours, il a craqué, sans rien voir venir. Depuis une semaine à Au temps pour toi, ce fils d’agriculteurs renaît  : «  Je suis accueilli comme en famille. L’équipe sait voir si quelque chose est au-dessus de nos forces. »

10000000000000be00000087c5448b01c82bbd40.jpg «  L’Église peut aussi accompagner la guérison du burn-out »

Le réseau des relations que l’on noue ici s’étend au-delà de Jean-Baptiste, François, Marie-Claire, qui veille à l’intendance, et Violaine, qui assure le travail administratif deux jours par semaine. Un voisin, Lionel, est venu faire du terrassement autour de la maison. Avec Pierre-Antoine, le courant est vite passé  : «  J’ai besoin que tu m’aides », a demandé Lionel. Pierre-Antoine a passé une demi-journée sur le tracteur  : «  J’étais le plus heureux des hommes ! François et Jean-Baptiste diffusent autour d’eux l’amour des gens », constate-t-il.

Pour l’instant, les résidents financent seuls leur séjour. Le burn-out n’est pas reconnu comme une maladie, la Sécurité sociale ne le prend pas en charge. Quant à l’association, elle doit trouver des fonds pour aménager des chambres supplémentaires face à une forte demande  : «  Nous recevons une dizaine d’appels chaque semaine de toute la France, mais aussi de Belgique, de Suisse… Nos quatre chambres ne suffisent plus, et la viabilité financière du projet passe aussi par là », explique Jean-Baptiste. Dans ses rêves, le jeune homme passionné voit déjà Au temps pour toi inséré dans un éco-hameau fonctionnant en économie collaborative

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Les recettes du succès

Une équipe engagée dans le partage.

Partager des moments de vie avec des personnes fragilisées suppose de pouvoir se laisser toucher par la faiblesse d’autrui, sans en être déstabilisé. Cela engage.

Un lieu inspirant. La maison d’accueil doit se situer dans un environnement inspirant, vivant et calme, reculé sans être isolé.

Un solide réseau de proximité. Le projet doit s’appuyer sur des médecins et thérapeutes à proximité, des bénévoles disponibles, un conseil d’administration, des donateurs généreux.


(1) https://www.autempspourtoi.eu

(2) Les communautés de l’Arche ont été fondées par Jean Vanier.

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