« En finir avec le culte français du fonctionnaire »

Revue de Presse

Source : lefigaro.fr (15 mai 2019)

Ferghane Azihari regrette la différence de traitement entre travailleurs du secteur privé et travailleurs du secteur public, et souhaiterait que les Français remplacent le culte des administrateurs par celui des entrepreneurs.

Ferghane Azihari est analyste en politiques publiques et collaborateur de l’Institut de recherches économiques et fiscales, think tank d’inspiration libérale.

À rebours de l’intérêt général qui anime le secteur public, les services marchands relèvent des intérêts égoïstes. C’est par ces mots que s’opère en France la distinction manichéenne entre les fonctionnaires qui vivent de l’impôt et les travailleurs du secteur privé qui les rémunèrent.

À en croire la mythologie du service public, le travailleur privé aurait le monopole de l’égoïsme. L’avidité, c’est comme l’enfer, c’est les autres. Les agents de l’administration sont à l’inverse des demi-dieux bénévoles et désintéressés. Autant de qualités reçues après l’onction de l’acte administratif portant sur leur nomination.

Est-ce à dire que les bureaucrates n’ont aucune prétention salariale? Qu’ils n’ont jamais de plan de carrière? Ne cherchent-ils jamais à obtenir plus d’avantages? Les grèves quelques fois déclenchées par les fonctionnaires déroulent un récit moins romantique que la théorie des choix publics narre avec plus de lucidité. Elle dépeint les fonctionnaires comme des êtres animés par la même cupidité que le commun des mortels.

Bien sûr, l’avidité n’entache pas en soi toute action de vice. Adam Smith résumait mieux que quiconque les vertus de l’égoïsme en rappelant que « ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais plutôt du soin qu’ils apportent à la recherche de leur propre intérêt».

Les revenus du fonctionnaire sont généralement déconnectés de la qualité des services fournis à une clientèle privée de choix.

Il existe toutefois une différence entre la cupidité des fonctionnaires et celle de la classe productive qui relève des services marchands. Contrairement aux entreprises et aux salariés du privé, les revenus des administrations et des fonctionnaires ne découlent pas de transactions libres et consenties.

Ils affluent plutôt au rythme des impôts prélevés sur des contribuables captifs. Ces derniers n’ont pas le choix de leurs prestataires, si ce n’est par des élections tenues une fois tous les cinq ans et qui n’offrent qu’un contrôle diffus sur les élus qui dirigent les bureaucrates.

À l’inverse, la cupidité du boucher, du brasseur ou du boulanger doit quotidiennement s’adosser à la séduction d’une clientèle consentante pour être assouvie. Ce prérequis n’existe pas dans la fonction publique.

C’est pourquoi les revenus du fonctionnaire sont généralement déconnectés de la qualité des services fournis à une clientèle privée de choix. La difficulté, bien connue des économistes, à évaluer les politiques publiques est consubstantielle à ces contraintes.

Ceci n’empêche pourtant pas les prêcheurs de la fonction publique de soutenir aveuglément qu’elle serait le meilleur système pour fournir des services aussi variés que l’éducation, la santé ou la gestion de la vie locale.