Source : actualitesdudroit.fr/ (7 juin 2019)
Une maladie peut être reconnue d’origine professionnelle même si elle ne remplit pas toutes les conditions exigées par le tableau s’il est établi qu’elle est causée par le travail habituel de la victime et que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles rend un avis positif. Ce comité doit être également saisi par le juge lorsqu’une demande de reconnaissance de faute inexcusable a été introduite par la victime.
Cass. 2ème civ., 9 mai 2019, n° 18-11.468 P+B
Un salarié développant une maladie peut faire reconnaitre le caractère professionnel de celle-ci dès lors qu’elle est désignée dans un tableau de maladie professionnelle et qu’elle a été contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. Dans ce cas, la maladie est présumée d’origine professionnelle et la victime n’a pas à établir le lien de causalité entre sa maladie et son travail (CSS, art. L. 461-1, al. 1 et 2).
Pour les maladies ne remplissant pas une ou plusieurs conditions du tableau ou pour les maladies non visées par un tableau, la législation a prévu une procédure de reconnaissance des maladies professionnelles fondées sur expertise individuelle (CSS, art. L. 461-1, al. 3 à 5). Dans ces cas, la maladie est reconnue d’origine professionnelle dès lors qu’il est établi qu’elle a été causée par le travail habituel de la victime et après avis motivé du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).
L’avis du CRRMP est ainsi essentiel dans la procédure de reconnaissance de la maladie professionnelle. Il l’est également lorsqu’une demande de reconnaissance de faute inexcusable est introduite par la victime comme nous le précise la Cour de cassation dans un arrêt du 9 mai 2019.
Dans cette affaire, à la suite du décès d’un salarié provoqué par un cancer broncho-pulmonaire primitif, lequel avait été reconnu par la CPAM d’origine professionnelle au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles, ses ayants droit saisissent le tribunal d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur de la victime. La Cour d’appel les déboute au motif que les travaux effectués par la victime lorsqu’elle était au service de l’employeur ne correspondaient pas à ceux limitativement énumérés par le tableau n° 30 bis et que le lien de causalité entre la maladie de la victime et son travail n’était pas établi. Une décision qui n’est pas sans conséquence sur la demande de reconnaissance de la faute inexcusable et donc sur le versement d’une indemnisation complémentaire car rappelons que la faute inexcusable ne peut être retenue que si l’affection déclarée a la caractère d’une maladie professionnelle (Cass. 2ème civ., 4 avr. 2019, n° 17-16.649 P+B+I ; voir notre lettre hebdo du 19 avril 2019, rubrique santé, sécurité et temps de travail).
Cependant, les Hauts magistrats ne l’ont pas entendu ainsi et ont décidé que le juge saisi de la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur devait nécessairement et préalablement recueillir l’avis du CRRMP dès lors :
- qu’il constatait que la maladie déclarée prise en charge par la CPAM au titre de la législation professionnelle sur le fondement d’un tableau de MP ne remplissait pas les conditions énumérées par celui-ci ;
- qu’étaient invoquées devant lui les dispositions des troisième et quatrième alinéa de l’article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale (demande de reconnaissance individuelle du caractère professionnel de la maladie) ;
- que les ayants droit ou la victime soutenaient que la maladie était causée par le travail habituel de la victime.
En conséquence, l’arrêt d’appel a été cassé et il conviendra par la Cour d’appel de renvoi de saisir l’avis du CRRMP avant de se prononcer sur la faute inexcusable.
Attention, toutes les conditions énumérées par la Cour de Cassation semblent avoir toute leur importance. En effet, dans un arrêt rendu le même jour et dont les faits étaient similaires, les Hauts magistrats ont pu estimer que le juge saisi de la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur n’était pas tenu de recueillir l’avis du CRRMP dès lors qu’il constatait que la maladie déclarée, prise en charge par la CPAM sur le fondement d’un tableau de maladies professionnelles n’en remplissait pas les conditions mais que n’étaient pas invoquées devant lui les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l’article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale et qu’il n’était donc pas demandé le bénéfice de la reconnaissance individuelle du caractère professionnel de la maladie (Cass. 2ème civ., 9 mai 2019, n° 18-17.847 P+B+I).
Pour en savoir plus, voir le Lamy Santé, sécurité au travail, n° 233 et le Santé, sécurité et conditions de travail au Quotidien, n° 105


