Après la banque, Orange mise gros sur la cybersécurité

Revue de Presse

Source : latribune.fr (15 juillet 2019)

Hugues Foulon, le directeur exécutif de la stratégie et des activités de cybersécurité d’Orange. (Crédits : DR) Alors que la concurrence fait rage sur le marché des télécoms, l’opérateur historique poursuit sa stratégie de diversification. Après avoir lancé Orange Bank, sa banque mobile, il y a deux ans, le groupe met les bouchées doubles pour développer Orange Cyberdefense, son pôle dédié à la cybersécurité.

La semaine dernière, Orange a bouclé son plus gros deal depuis son acquisition, en 2015, de l’opérateur espagnol Jazztel pour 3,4 milliards d’euros. Mais cette prise, pour un montant de 515 millions d’euros, ne concerne pas un acteur des télécoms  : il s’agit du néerlandais SecureLink, un spécialiste de la cybersécurité. Cette emplette n’est pas la première d’Orange dans ce secteur. En février dernier, l’opérateur historique avait annoncé le rachat du britannique SecureData. Ces acquisitions sont désormais réunies sous la bannière d’Orange Cyberdefense, le pôle dédié à la cybersécurité d’Orange. D’après Hugues Foulon, le directeur exécutif cette activité depuis un peu plus d’un an, celle-ci affiche «  un chiffre d’affaires de 610 millions d’euros sur la base des chiffres de 2018 », sachant que les ventes globales d’Orange avoisinent les 40 milliards d’euros.

Pourquoi Orange mise-t-il autant sur la cybersécurité ? Parce que sur les télécoms, son cœur d’activité, l’opérateur est confronté en France, son principal pays, à une concurrence féroce marquée par une guerre des prix dans un marché mature. Pour continuer à croître, Orange veut se diversifier. C’est la raison pour laquelle le groupe a lancé fin 2017 Orange Bank, sa banque mobile, et qu’il compte désormais devenir un cador européen de la cybersécurité. Aujourd’hui, d’après Hugues Foulon, Orange Cyberdefense est leader dans son secteur en France. «  Nous disposons d’une part de marché de 13%, devant nos concurrents Atos, Thales ou encore Capgemini », affirme-t-il. Surtout, les acquisitions de SecureData et SecureLink lui ont permis de prendre pied dans les deux gros marchés européens que sont la Grande-Bretagne et l’Allemagne, en parallèle de positions dans des pays moins importants comme la Belgique, les Pays-Bas, la Suède, le Danemark et la Norvège.

L’objectif du milliard d’euros de chiffre d’affaires

En outre, Orange Cyberdéfense n’est plus rattaché à Orange Business Services (OBS), la branche de l’opérateur dédiée aux professionnels, mais constitue désormais une entité à part entière au sein du géant français. Côté clients, Orange Cyberdefense propose ses solutions de cybersécurité au CAC 40 et aux grands groupes, ainsi qu’aux entreprises du milieu de marché. Son objectif est de continuer à croître sur ces segments, mais aussi de «  s’étendre sur le bas de marché, à savoir les professionnels et les PME », indique Hugues Foulon. A l’en croire, la demande va crescendo. «  Orange Cyberdefense est en très forte croissance, assure-t-il. Nous avons progressé de 12% en 2018, et de 30% au premier trimestre. » Le dirigeant juge qu’il a les moyens d’atteindre seul son objectif du milliard d’euros de chiffre d’affaires d’ici à 2022. Il assure ne pas avoir besoin de nouvelles acquisitions pour y arriver, mais indique qu’Orange regardera les opportunités qui pourraient se présenter.

Hugues Foulon estime que le marché restera porteur dans les années à venir. Il évoque trois raisons. La première, c’est que «  le monde se digitalise ». «  Le numérique devient de plus en plus central pour de nombreux usages, comme déclarer ses impôts, gérer ses dépenses de soin ou ses relations avec la CAF », illustre-t-il. La deuxième raison, c’est que «  la menace s’organise, est protéiforme et se structure », constate Hugues Foulon. «  On est passé de la menace des hackers, à celle des malfrats, puis des mafias, et maintenant des Etats. » D’après lui, les entreprises s’en rendent compte et prennent maintenant le sujet très au sérieux, à l’instar de «  Saint-Gobain, qui a quand même perdu 220 millions d’euros » après avoir essuyé la cyberattaque NotPetya en juin 2017. Dans ce cas, la Russie a été soupçonnée d’être à l’origine de cette offensive, ce que le Kremlin a toujours réfuté.

Vers une offre cybersécurité pour les particuliers ?

Enfin, la troisième raison qui permet au marché de la cybersécurité de se développer est liée, selon Hugues Foulon, aux obligations légales, pour de nombreux grands groupes, de se protéger.

«  En France vous avez les OIV [opérateurs d’importance vitale, comme Orange ou EDF, NDLR] qui sont soumis à un certain nombre d’obligations au titre de la loi de programmation militaire, explique le dirigeant. Cela a créé un standard de protection que les entreprises doivent respecter. »

A côté des clients professionnels, Orange Cyberdefense réfléchit aussi, à terme, à proposer des offres de cybersécurité pour le grand public. Celles-ci pourraient être commercialisées avec les abonnements Internet fixe et mobile existants.

«  On pourrait comparer un tel service à celui de l’eau potable, avance Hugues Foulon. Lorsque vous tournez le robinet, vous vous attendez à ce que l’eau soit purifiée, filtrée et bonne à la consommation. On pourrait imaginer la même chose concernant les flux de données lorsque vous disposer d’une connexion Internet chez Orange. L’idée serait de proposer une qualité de service augmentée et améliorée sur la partie cybersécurité, avec un filtrage efficace de l’ensemble des menaces présentes sur le réseau. »

Mais selon le dirigeant, il est encore trop tôt pour déterminer la forme qu’un tel service pourrait prendre. «  Ce ne sera, quoi qu’il en soit, pas avant 2020 », souligne-t-il.