La Cour de cassation valide le plafonnement des indemnités pour licenciement abusif

Revue de Presse

Source : lemonde.fr (17 juillet 2019)

La Cour de cassation a validé, mercredi 17 juillet, le plafonnement des indemnités prud’homales pour licenciement abusif et estimé que ce dispositif est conforme à des textes internationaux ratifiés par la France.

«  C’est une très bonne nouvelle pour l’emploi », s’est félicitée la ministre du travail, Muriel Pénicaud, car ce barème a contribué à «  lever la peur de l’embauche dans les petites entreprises », les patrons ayant dorénavant connaissance du coût maximal d’un licenciement, qu’il soit conforme au code du travail ou, comme le licenciement abusif, sans cause réelle et sérieuse. Même satisfaction côté patronal. «  Cet élément contribue à sécuriser les entreprises, en particulier les plus petites, qui pouvaient être mises en péril par des condamnations imprévisibles et trop lourdes », a jugé l’U2P (artisans et commerçants). «  Le doute est levé dans l’intérêt de tous », a écrit sur Twitter le patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux.

A l’inverse, les syndicats, qui dénonçaient un barème «  sécurisant l’employeur fautif », n’ont pas caché leur déception. …/…

Des refus d’appliquer le barème

La Cour de cassation était saisie pour avis après le refus de plusieurs conseils de prud’hommes d’appliquer le barème d’indemnisation, l’une des mesures phares des ordonnances sur le travail prises au début du quinquennat d’Emmanuel Macron. Dans son avis, la plus haute juridiction judiciaire française estime que ce barème est «  compatible avec l’article 10 de la convention nº 158 de l’Organisation internationale du travail » (OIT), qui demande «  le versement d’une indemnité adéquate » en cas de licenciement abusif.

Pour la cour, «  le terme “adéquat” doit être compris comme réservant aux Etats parties une marge d’appréciation ». La cour estime, par ailleurs, que «  la Charte sociale européenne n’a pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers » et que le barème n’entre pas dans le champ d’application de la Convention européenne des droits de l’homme.

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Depuis les ordonnances réformant le code du travail à la fin de 2017, le plafond se situe entre un et vingt mois de salaire brut, en fonction de l’ancienneté. Auparavant, les juges étaient libres de fixer les montants, allant jusqu’à trente mois de salaires pour trente ans d’ancienneté. Il y avait également un plancher de six mois de salaire pour les employés ayant plus de deux ans d’expérience dans une société de plus de dix salariés.

Les salariés dissuadés de porter plainte

Depuis la fin 2018, un imbroglio entoure ce barème décrié par les syndicats et salué par le patronat. En dépit de sa validation par le Conseil constitutionnel en mars 2018, plusieurs conseils de prud’hommes (notamment à Troyes, Amiens, Grenoble et Lyon) ont, depuis plusieurs mois, refusé d’appliquer le barème au motif qu’il serait contraire aux engagements internationaux de la France.

Pour y voir plus clair, les conseils de Louviers (Eure) et de Toulouse avaient donc saisi la Cour de cassation «  pour avis », sans attendre un pourvoi. Deux premières décisions en appel sont attendues le 25 septembre, l’une à Paris, l’autre à Reims.

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Le 8 juillet, signe de l’importance du dossier, la Cour de cassation y avait consacré une séance plénière, en réunissant toutes ses chambres. Les avocats de salariés avaient alors critiqué un barème «  injuste », qui «  sécurise l’employeur fautif ». Me Thomas Haas avait aussi mis en avant la baisse «  marquée » des contentieux aux prud’hommes, «  jusqu’à − 40 % dans certains conseils » en 2018, et déduit que ce dispositif «  dissuade le salarié de saisir la justice ».

«  A ancienneté égale, un salarié de 51 ans peu qualifié dans un bassin d’emploi sinistré et un salarié de 35 ans très qualifié vivant dans un bassin d’emploi très dynamique auront la même indemnité, alors que le préjudice est plus important pour le premier », avait relevé Me Manuela Grévy.

Des «  termes volontairement vagues »

Les représentants des employeurs avaient, eux, jugé «  trop floues » les notions d’indemnité «  adéquate » et «  appropriée » figurant dans les textes internationaux. Le barème, «  équilibré » en France, est «  une tendance lourde en Europe et l’OIT [Organisation internationale du travail] n’a jamais eu de commentaire désobligeant à ce propos », avait assuré Me François Pinatel.

Autres arguments avancés par les défenseurs de cette réforme  : il n’est pas appliqué en cas de harcèlement moral ou de discrimination ; le licencié peut prétendre à un revenu de remplacement, «  généreux » selon Me Pinatel, avec l’allocation-chômage ; l’article 24 de la Charte sociale européenne ne peut être appliqué aux «  personnes physiques et morales », selon Me Jean-Jacques Gatineau ; le salarié peut être réintégré dans l’entreprise.

L’avocate générale, Catherine Courcol-Bouchard, a jugé le barème conforme à l’article 10 de la convention de l’OIT, rédigé dans des «  termes volontairement vagues » pour laisser aux Etats une marge de manœuvre, selon elle. Elle a jugé «  irrecevable » le recours à la Charte sociale européenne et s’est dite «  perplexe » quant à la référence à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. «  Le rôle du juge n’est pas de dire si une mesure est bonne ou mauvaise », a-t-elle souligné.